jeudi 2 avril 2015

Vendredi Saint


« … sachant que désormais toutes choses étaient accomplies » (Jn 19, 28).
Voilà bien une phrase extraordinaire : nous voyons un homme cloué sur une croix, qui n’a plus que quelques minutes à vivre dans des souffrances atroces, un homme abandonné de tous, dont la vie se conclut par le plus lamentable échec : cet homme, que peut-il savoir ? Et quand bien même aurait-il compris quelque chose, sa déréliction paraît démentir que cela soit important pour nous. Mais l’évangéliste dit : « sachant désormais que toutes choses étaient accomplies ». Jésus, mourant, « sait ». Et que sait-il ? « Que toutes choses sont accomplies », c’est-à-dire : que tout ce qu’il est venu faire dans notre pauvre humanité est maintenant fait. Il est venu sauver le monde ; le monde est désormais sauvé ; et il le sait.
Dans la liturgie de ce jour, que l’Eglise considère malgré tout comme une messe (puisque le rite se trouve décrit dans le Missel), nous entendrons, à la place de la prière eucharistique, une prière universelle d’une ampleur inhabituelle. C’est pour nous l’occasion de comprendre que la prière eucharistique des messes ordinaires et la prière universelle de ce jour ne sont rien d’autre qu’une représentation liturgique de cette connaissance que possédait Jésus en mourant : sur la Croix, Jésus a vu tous les hommes, croyants ou non, fidèles ou pécheurs, consacrés ou vivant dans le monde, tous les souffrants, tous les blessés, tous les impies, Jésus a vu chacun de nous, et il a vu que personne n’était voué à l’enfer. Dans sa prière pour toute l’humanité, prière dont il savait qu’elle était forcément exaucée (n’est-il pas le Fils de Dieu ?) il a donc « su » que l’humanité prendrait le chemin du salut. Il n’est pas naïf de croire que, sur la Croix, Jésus a personnellement vu chacun d’entre nous, que dans telle souffrance, il pensait précisément à untel. Saint Paul ose dire à la 1ère personne du singulier : le Christ « m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20) ; cela, chacun, à la suite de saint Paul peut le dire : en mourant, le Christ m’a vu, le Christ a prié pour moi, le Christ m’a sauvé ; en mourant, Jésus a « su » que j’étais sauvé.
Cela, Jésus le sait. Moi, je ne le sais pas encore, et mon salut me paraît hasardeux, compliqué, compromis peut-être. Dans les moments de découragement ou de doute, je peux cependant m’appuyer sur ce dont Jésus a eu l’intuition lumineuse. Avoir la foi, c’est aussi accueillir avec confiance ce qu’un crucifié a su : « tout est accompli », le monde est sauvé.


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