vendredi 26 décembre 2014

Sainte Famille - année B

La présentation de Jésus au Temple (Lc 2, 22-40) est un épisode difficile à comprendre ; il se rattache à une législation commandée par Moïse dont le sens est austère et complexe. « Tu céderas au Seigneur tout être sorti le premier du sein maternel et toute la première portée des bêtes qui t’appartiennent : les mâles sont au Seigneur. Les premiers ânons mis bas, tu les rachèteras par une tête de petit bétail. Si tu ne les rachètes pas, tu leur briseras la nuque, mais tous les premiers-nés de l’homme, parmi tes fils, tu les rachèteras » (Ex 13, 12-13 ; cf. Lc 2, 23). Et comme le sens de ce texte est obscur, l’auteur biblique prévoit qu’un enfant demande rituellement une explication : « Lorsque ton fils te demandera demain : ‘‘Que signifie ceci ?’’, tu lui diras : ‘‘C’est par la force de sa main que le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte, de la maison d’esclavage. Comme le Pharaon s’entêtait à ne pas nous laisser partir, le Seigneur fit périr tous les premiers-nés au pays d’Égypte, aussi bien les premiers-nés des hommes que les premiers-nés du bétail. Voilà pourquoi je sacrifie au Seigneur tout mâle sorti le premier du sein maternel et je rachète tout premier-né de mes fils’’ » (Ex 13, 14-15).
Le rachat des premiers nés est ainsi une coutume que la loi juive fait remonter à la sortie d’Egypte, à la Pâque de Moïse. La dernière des plaies, effrayante, avait fait mourir tous les premiers-nés, les animaux comme les hommes, les princes comme les enfants d’esclaves ; seuls les premiers-nés des hébreux avaient été épargnés par l’ange. Ce récit pascal est très étrange, mystérieux, et aussi choquant. Ce n’est pas le moment de l’expliquer aujourd’hui. Disons simplement que ce n’est pas tant le souvenir de la mort des fils des égyptiens qui est ainsi commémorée que le salut de tout le peuple.
Pour se souvenir que Dieu a été le libérateur des hébreux, les fils d’Israël avaient donc conservé l’habitude d’aller offrir symboliquement au Seigneur leur premier né et de présenter, à cette occasion, une modeste offrande matérielle. Ce sacrifice pouvait être fastueux dans les familles riches, et pauvre chez les gens simples : « un couple de tourterelles ou deux petites colombes » (Lv 12, 8 ; cf. Lc 2, 24). Le tarif n’est pas bien exigeant. En faisant ce geste, Marie et Joseph ne font rien d’autre que de se conformer à une pratique de leur temps et de leur religion. Ils expriment par ce geste rituel leur attachement à la loi de Moïse (Lc 2, 22 ; 39) et leur fidélité au Seigneur. Ils sont solidaires de leur peuple et de ses coutumes. C’est assez anodin, en fait.



Mais dans ce pieux usage, se produit alors quelque chose d’imprévisible : ce petit enfant que Marie et Joseph conduisent au Temple pour le racheter est celui qui va racheter toute l’humanité par le sang de sa croix. Celui pour qui ils vont offrir deux colombes en sacrifice est celui qui va s’offrir lui-même en sacrifice pour le salut de tous les hommes. Celui qui est ainsi présenté aux prêtres du Temple est en réalité le Seigneur, le Dieu de gloire et de majesté qui ne cesse pas de siéger à la droite de son Père bien qu’il se donne à voir dans une nature humaine semblable à la nôtre. Marie et Joseph ont déjà pressenti quelque chose de cet immense mystère ; mais ils viennent là, comme tout le monde, sans chercher à se faire remarquer. Et l’enfant Jésus, quoiqu’on en dise, était beau comme le sont tous les enfants – ni plus, ni moins. Il n’était pas auréolé de je ne sais quelle lumière surnaturelle. On ne voyait rien qu’un jeune couple et un nourrisson, rien de plus.
Il a fallu toute la lucidité spirituelle (Lc 2, 25) de Syméon pour voir dans ce spectacle attendrissant quelque chose de plus qu’une simple scène de joie familiale et religieuse. Lui a reconnu dans cet enfant plus qu’un enfant. Une tradition orientale bien attestée interprète avec justesse et audace l’action de cet homme juste : « il reçut [Jésus] dans ses bras et bénit Dieu » (Lc 2, 28). Il bénit Dieu qui est ce petit enfant. Et lorsque le saint homme dit : « Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s’en aller en paix » (Lc 2, 29), il ne faut pas se le représenter tenant l’enfant dans ses bras et levant les yeux au ciel comme s’il s’adressait à un dieu des nuages. Car lorsqu’il reçoit Jésus, il n’a pas le réflexe de se tourner vers le Seigneur comme s’il était un autre que cet enfant. C’est à Jésus lui-même qu’il dit : « Maître » ; en Jésus il reconnaît celui qui lui a promis de le garder en vie jusqu’au jour de la rencontre. Une hymne en usage dans l’Eglise syrienne l’affirme très explicitement :

« Syméon vit le Fils de Dieu
et, dans sa joie, bondit à sa rencontre,
lui qui attendait que sa naissance se dévoilât
pour goûter la mort.
Celui qui est le Maître de la vie,
il le porte sur les paumes de ses mains
et le berce en lui demandant :
‘‘Maintenant, tu peux m’ôter la vie d’ici-bas’’ »[1].

Ce récit de la présentation de Jésus au Temple n’est donc pas un événement de la vie ordinaire. C’est ce que les premiers chrétiens appelaient une théophanie, une manifestation de Dieu. En venant dans le monde, l’enfant Jésus a fait connaître sa divinité de manière paradoxale, aux bergers, aux mages, à Syméon et Anne, aux docteurs de la loi ; de même, à la fin de l’évangile, Jésus fera reconnaître sa résurrection aux Apôtres, à Pierre, aux pèlerins d’Emmaüs, à Jacques, etc. Que furent ces événements ? En eux-mêmes, ils ne furent rien de tellement retentissant : la rencontre d’un enfant, la rencontre d’un homme. Dieu ne se donne à voir que dans l’ordinaire, dans le partage d’une intimité, une docilité spirituelle. N’allons pas le chercher ailleurs. Si nous pensons trouver Dieu dans des pratiques, et si nous sommes suffisamment délicats pour vivre les rites de la vie avec une vraie attention, alors nous aurons le cœur prêt à se laisser surprendre par l’inattendu de Dieu. Parfois, les cérémonies habituelles de notre vie chrétienne tournent un peu à la routine, la vie spirituelle se fatigue. On vient à l’Eglise pour une messe de plus, pour encore un baptême, et on ne pense même plus qu’on y vient rencontrer Dieu. Et c’est ce moment que le Seigneur choisit pour se révéler à nous. Dieu ne veut pas que nous quittions cette terre sans que nos yeux aient « vu le salut » (Lc 2, 30). Mais c’est dans l’inattendu du quotidien qu’il nous le montrera. Patience et lucidité, attention et discernement, voilà ce qu’il faut pour que Dieu nous surprenne et nous sauve ; il se montre à nous, brûlant d’amour derrière les pauvres rites de nos communautés paroissiales. Mais avec un peu d’émerveillement et de vigilance, avec un cœur pur, nous aussi, nous aurons le bonheur de voir Dieu (cf. Mt 5, 8).



[1] Cité par J. Lemarié, La manifestation du Seigneur, Lex Orandi n° 23, le Cerf, Paris, 1957 ; p. 464. 


mardi 23 décembre 2014

Noël


Pourquoi dit-on que Jésus est né dans la nuit ? Au-delà des circonstances historiques, la nuit décrit bien l’état du monde avant le Christ, sans le Christ. La nuit, dit-on, les enfants ont peur, les voyageurs ne voient plus la route, les malades sont angoissés, les voleurs en revanche sont plus à l’aise… Ainsi, tandis que certains sont dans la tristesse et l’inquiétude, d’autres profitent de l’obscurité pour dissimuler leurs actions malhonnêtes. Voilà ce qu’est la nuit ; voilà l’état du monde sans le Christ. Et puis, surgit le Christ, dans cette nuit ; et nous voyons désormais « les clartés de la vraie lumière » (collecte Nuit) – « la lumière brille dans les ténèbres » (Jn 1 – Jour). Le Christ vient comme une lumière dans la nuit. Dans la nuit, une lumière rassure ceux qui ont peur, guide les égarés, réconforte les malades, démasque les bandits… Voilà ce que fait le Christ.
Nous devons reconnaître que nous ne sommes pas toujours dans la lumière, que notre époque qui a éloigné le Christ n’est pas tellement lumineuse. Mais parfois, on préfère fermer les yeux, pour ne pas voir qu’il fait nuit ! On ajoute ainsi à l’obscurité extérieure, notre propre aveuglement – et alors on ne voit plus rien de vrai : les yeux fermés, la nuit, on ne voit que des rêves, des illusions.
Ce soir, nous sommes invités à ouvrir les yeux et à voir qu’il y a pourtant une lumière dans la nuit. Cette lumière du Christ est là qui nous rassure, qui nous donne confiance en Dieu. Cette lumière du Christ est là qui nous éclaire, qui nous montre le chemin de la vérité. Cette lumière du Christ vient aussi déranger nos mauvaises habitudes, vient aussi débusquer la part d’ombre qui est en nous. La venue du Christ dans l’histoire, la venue du Christ dans notre histoire est réconfortante – assurément, c’est une force d’être chrétien – mais elle est aussi exigeante – c’est parfois difficile de persévérer dans la vie chrétienne. C’est pourquoi nous devons choisir la lumière. Personne ne nous force à suivre le Christ, personne ne nous force à être chrétiens. Certains peuvent préférer les ténèbres (Jn 3, 19), et laisser tomber la foi, laisser de côté la vie chrétienne. A ceux qui fêtent aujourd’hui sa naissance, le Christ propose de regarder la lumière, de faire confiance à la lumière, de croire en la lumière.
Regardez un instant ceux qui font confiance à l’Eglise, ceux qui se laissent illuminer par le Christ : les enfants qui reçoivent une éducation chrétienne, les jeunes qui se marient à l’Eglise, les adultes qui vont à la Messe du dimanche, ceux qui n’ont pas peur de se confesser – tous ces gens ne sont pas des héros inaccessibles, ils ne font rien d’extraordinaire. Ils font simplement confiance à la lumière du Christ. Ils acceptent de regarder la lumière du Christ et de se laisser guider par elle. Ainsi, ils ont un repère, plus fiable que la mode ou que l’opinion : ils ont comme repère l’Eglise et la foi chrétienne. Ils n’avancent pas seuls dans les épreuves de la vie. Certes, il y a encore des ténèbres alentour, mais ils se laissent guider par le Christ, comme un marin s’oriente vers le port grâce à un phare. On peut conduire un navire la nuit en fermant les yeux, mais on a moins de chances d’arriver au port. On peut mener sa vie sans repère, sans guide, tout seul ; mais on a moins de chances de parvenir au bonheur. Il faut juste reconnaître que la lumière ne vient pas de nous, qu’elle ne vient pas du monde, mais qu’elle vient du Christ par l’Eglise. Et puis il suffit de faire confiance, de nous laisser guider, nous laisser réconforter, nous laisser illuminer par l’Eglise.

L’Eglise ne cherche pas à recruter quelques chrétiens de plus ; elle veut sauver tous les hommes, éclairer tous les hommes. L’Eglise veut donner à tous les hommes la chance – la grâce – de connaître une vérité dont ils puissent vivre, une lumière qui les rassure et les conduise vers le vrai bonheur. Pour cela, l’Eglise n’est pas en concurrence avec le monde, la prière n’est pas en concurrence avec l’égoïsme, la lumière n’est pas en concurrence avec les ténèbres, la vérité n’est pas en concurrence avec les opinions, la paix n’est pas en concurrence avec la peur ; le bien n’est pas en concurrence avec le mal. Ou bien, pour dire les choses de manière plus concrète encore : la messe du dimanche n’est pas en concurrence avec un match de foot. C’est d’un autre ordre. Il nous faut simplement choisir. Vous qui fêtez Noël aujourd’hui, vous connaissez l’Eglise, vous reconnaissez dans la naissance de Jésus une lumière. Ce qui vous est proposé, c’est de vivre pleinement de cette lumière, non pas simplement une fois par an ou deux fois par an, mais tous les jours de votre vie. Vous savez croire à la sagesse de l’évangile : elle nous enseigne que ceux qui font vraiment confiance à la lumière du Christ ne seront pas déçus.  


vendredi 19 décembre 2014

4ème dimanche de l'Avent - année B

Revenons sur une admirable expression de saint Paul : « l’obéissance de la foi » (Rm 16, 26). Saint Paul avait déjà expliqué que la foi venait de ce qu’on entend (Rm 10, 17 ; cf. Ga 3, 2-5). Le mot d’obéissance est aujourd’hui mal considéré. Ce mot a pourtant été forgé par les chrétiens pour désigner l’attitude la plus libre qui soit : écouter la parole de Dieu qui me sauve, y croire et être, en effet, sauvé. L’obéissance, c’est l’acte de celui qui écoute, qui comprend, et qui consent. La foi n’est pas d’abord une parole prononcée, mais une parole écoutée avec docilité, une parole que l’on comprend, et à laquelle on donne son adhésion. La liturgie du baptême le manifeste clairement : la première profession de foi du baptisé – ou de ses parents – n’est pas une déclaration personnelle. La première fois, c’est le prêtre qui parle, qui questionne : « Crois-tu en Dieu le Père ? Crois-tu en son Fils Jésus Christ ? Crois-tu en l’Esprit et en l’Eglise ? » ; et le baptisé écoute, et s’il décide d’entrer dans la foi, il répond : « Oui, je crois ». Notre foi en Dieu ne vient pas de nos petites pensées – même géniales – elle ne vient pas de nos paroles ; la foi est une parole de Dieu que nous avons entendue et à laquelle nous avons obéi, dans ce sens qu’on vient de dire. Le christianisme est la religion du salut par l’écoute : c’est cela l’obéissance.



Cette attitude est précisément ce qu’a vécu Marie lors de sa rencontre avec l’ange (Lc 1, 26-38). Ce n’est pas Marie qui ouvre le dialogue. Sans doute que Marie savait prier, parler à Dieu ; mais elle savait surtout écouter et nous la voyons d’abord silencieuse. C’est l’ange qui parle, qui annonce, qui révèle : « Et voici que tu vas concevoir et enfanter un Fils » (Lc 1, 31). Le message est un peu étonnant et Marie est bouleversée. Alors elle questionne, nous pour mettre en doute, non pour hésiter, non pour être indiscrète, mais pour bien comprendre ce qui lui est dit. Car la foi est une écoute intelligente, et non un assentiment aveugle. C’est pourquoi Marie a raison de demander : « Comment cela va-t-il se faire ? » (Lc 1, 34). L’ange répond. Dieu est délicat et il ne veut pas nous laisser dans le trouble lorsqu’il nous donne une mission ; il ne renonce pas à expliquer quelque chose de la vocation de chacun. La vocation de Marie c’est : « l’Esprit Saint viendra sur toi… » (Lc 1, 35). Et Marie pose alors l’acte de « l’obéissance de la foi » : « Voici la servante du Seigneur » (Lc 1, 38). Elle a su écouter, elle a demandé de bien comprendre, elle a accepté sans réserve la volonté de Dieu.
Le Concile Vatican II décrit encore cette même logique, qui vaut pour nous tous : « A Dieu qui révèle est due l’obéissance de la foi par laquelle l’homme se remet totalement et librement à Dieu »[1]. Voilà qui peut combler le cœur de l’homme inquiet : s’en remettre totalement et librement à Dieu. L’Eglise ne connaît pas d’autre chemin de bonheur. Celui qui s’en remet un peu à Dieu, et qui se conserve un peu pour lui-même, celui-là sera toujours déçu par la part de lui-même qu’il n’a pas donnée. En revanche, celui qui se donne tout entier à Dieu, celui-là seul est vraiment libre, parce qu’il trouve en Dieu sa liberté. L’obéissance du croyant n’est pas une résignation ni une abnégation : c’est la liberté même. Marie n’est pas brimée comme servante du Seigneur ; c’est au contraire parce qu’elle est la servante du Seigneur qu’elle est vraiment libre. Un adage de la tradition chrétienne l’affirme dans une formule marquante :

« La liberté parfaite, c’est de servir Dieu le Christ,
de l’aimer, lui qui nous a vraiment libérés,
lui qui est le vrai Fils de Dieu
et le Seigneur, ayant revêtu une forme d’esclave
– non pas un esclave,
mais : le Seigneur ayant revêtu une forme d’esclave »[2].

On ne comprend rien à l’obéissance ni à la foi tant qu’on leur oppose la liberté : écouter pour croire, telle est bien la liberté de la foi chrétienne. Car c’est bien parce que nous avons cru en la parole qui nous a été annoncée que nous avons été libérés de nos fautes, de nos erreurs, de nos étroitesses.
Pour être vraiment libres, la Bible nous dit qu’il faut donc commencer par écouter. Aujourd’hui où tout le monde veut prendre la parole, revendiquer, faire valoir son point de vue, en famille, au travail, dans la vie politique, dans les médias, personne ne se rend compte que tout le monde parle dans un brouhaha où personne n’écoute. Mais si personne n’écoute, si tout le monde est sourd, notre parole est un piège. Chacun est finalement esclave de ce qu’il a dit, de ce qu’il défend, esclave de sa propre opinion. Dans l’Eglise rien de tel ; on prend le temps du silence pour écouter, et pour comprendre. Et la réponse libératrice, la réponse de la foi n’est pas une cacophonie ni un long discours bruyant ; elle tient en peu de mots. C’est tout simplement : « Amen ».



[1] Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur la révélation divine Dei Verbum, n° 5.
[2] « Perfecta vero libertas est, Deo Christo servire: illum diligere, qui vere nos liberavit: qui verus est Filius Dei, et dominus in forma servi: non servus, sed in forma servi dominus » (Bède le Vénérable, Commentaire sur l’évangile de saint Jean, VIII, P.L. 92, 750). L’idée vient de saint Augustin (De quantitate animæ, XXXIV, 78 ; P.L. 32, 1078). La formulation de saint Bède a été reprise par Alcuin (Sur l’évangile de Jean ; P.L. 100, 969), par Haymon d’Auxerre (Homélies ; P.L. 118, 214), etc

vendredi 12 décembre 2014

3ème dimanche de l'Avent - année B


Selon toute vraisemblance, la première épître aux Thessaloniciens est le plus ancien texte chrétien que nous possédons. Rédigé vers 50-51 ap. J.C., cette belle exhortation est antérieure à la rédaction finale des évangiles et présente donc le message de Jésus dans sa réalité native, absolument originelle. Il est réconfortant alors de voir que la tonalité de cette lettre est une joie profonde. L’attitude chrétienne la plus fondamentale est la joie. En un verset d’une concision tout à fait explicite, le passage entendu nous l’indique clairement : « Réjouissez-vous toujours » (1Th 5, 16). Et ce verset est complété, explicité, par les deux commandements qui suivent : « Priez sans interruption » (v. 17), et : « Rendez grâce en toutes choses » (v. 18). Scrutons brièvement ces trois impératifs.

« Réjouissez-vous toujours ». Peut-on ordonner à quelqu’un de se réjouir ? Et, plus exigeant encore, peut-on ordonner à quelqu’un de se réjouir toujours ? La joie est un sentiment qui dépend de tellement de paramètres intimes et extérieurs. Peut-on commander à quelqu’un qui est plongé dans les épreuves et les angoisses de se réjouir ? Ne doit-on pas respecter son malheur et se faire discret, éviter même de se montrer trop content devant lui ? Ou bien alors faut-il penser que les Thessaloniciens à qui écrivait saint Paul étaient des insouciants, qui vivaient sans problèmes, de façon irresponsable au milieu des malheurs des autres ? Non, certes. Les premiers chrétiens savaient trop bien que leur foi dérangeait et ils portaient en eux-mêmes l’inquiétude de la persécution. Mais comment dire à des chrétiens persécutés : « Réjouissez-vous toujours » ? Il y a là un aspect particulièrement exigeant pour les chrétiens (et particulièrement agaçant pour les adversaires du christianisme) qui appartient à la prédication de Jésus lui-même : « Heureux êtes-vous, quand on vous insultera et persécutera » (Mt 5, 11). Cette joie insolente, au milieu des contestations, n’est pas une dérision, un mépris des persécuteurs ; c’est une certitude intime, une conviction de conscience : Dieu existe, Dieu nous aime, le Christ nous a sauvés. Et cette vérité peut bien être combattue par les épreuves de la vie ; elle ne peut pas être démentie. Certes, le chrétien n’est pas épargné par les malheurs, et lui-même fait, comme tous les autres, l’expérience austère et douloureuse du silence de Dieu, de l’absence de Dieu. Paul VI[1] n’hésitait pas à le rappeler : d’où le Seigneur serait-il plus absent que d’un camp de l’Allemagne nazie ? Et d’où vient alors cette exultation dans laquelle est mort Maximilien Kolbe, changeant le lieu du supplice en « antichambre de la vie éternelle » ?
« Priez sans interruption ». Là encore, le commandement est étrange. Faut-il, pour être chrétien, passer sa vie dans les dévotions, ne jamais quitter le silence de la chapelle, fuir toute occupation ? De toute évidence, ce n’est pas ainsi que vivaient les premiers chrétiens, et si certains avaient la tentation de se réfugier dans l’oisiveté, faisant de leur piété une belle façade pour dissimuler leur paresse, Paul n’hésitait pas à les reprendre vertement : « Travaillez de vos mains, comme nous vous l’avons ordonné » (1Th 4, 11) ; « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! » (2Th 3, 10). Mais quelqu’un qui travaille peut-il prier sans cesse ? La prière continuelle que demande ici saint Paul (cf. Ep 6, 18) est la même que Jésus demandait : « Veillez donc et priez en tout temps » (Lc 21, 36). Il ne s’agit pas de se confire en piétés ostentatoires ; il s’agit, quoi qu’on fasse, d’être capable de s’unir à la bonté de Dieu. Ceux qui gagnent honnêtement leur vie en ayant le souci de la justice dans leur métier, ceux-là n’interrompent pas leur prière. Les parents qui éduquent patiemment leurs enfants, sans se laisser décourager par les difficultés ou les déceptions, mais en restant toujours attentifs et bienveillants, ceux-là n’interrompent pas leur prière. Ceux qui se reposent légitimement, d’une manière saine et profitable, afin de rester disponible ensuite pour le bien des autres, ceux-là non plus n’interrompent pas leur prière. Ils ont, en toute activité, cette joie profonde d’être unis au Christ par une attention, une vigilance évangélique qui est une constante lumière pour le cœur.
« Rendez grâce en toutes choses ». Rendre grâce, enfin, est-il toujours possible ? Faut-il remercier Dieu des malheurs qui nous surviennent ? Ou même : peut-on remercier Dieu quand des épreuves nous étouffent ? N’est-ce pas là rendre un culte à un dieu cruel ? Vous le comprenez, il ne s’agit pas de cela. Rendre grâce, dans le vocabulaire des premiers chrétiens, c’est surtout célébrer l’eucharistie. Le commandement que donne Paul signifie donc : faites de toutes les circonstances, joyeuses ou pénibles, de votre vie, la matière de l’eucharistie que vous célébrez. Cela est-il possible « en toutes choses » ? Oui. A l’eucharistie, nous pouvons venir avec nos pures joies, les bons moments, les bons souvenirs. Mais on peut également venir avec les angoisses, avec les souffrances : l’eucharistie, c’est le corps livré de Jésus, c’est le sang versé de Jésus. Ce sont toutes les douleurs que Jésus a endurées et exprimées en amour, toutes les souffrances qu’il a transfigurées en amour. Dans l’action de grâce, Jésus peut aussi transfigurer mes angoisses en espoirs. Mais il y a aussi mes péchés : puis-je faire de mes fautes, qui sont ma seule vraie tristesse, la matière de l’eucharistie ? On se trouve, là, au seuil de l’immense mystère de la miséricorde de Dieu : oui, je peux apporter aussi mes erreurs, mes lâchetés, mes trahisons, à l’eucharistie, en écoutant que le sang de Jésus est versé « pour la multitude en rémission des péchés ». Oui, je peux alors vraiment rendre grâce « en toutes choses », pour le bien, évidemment ; pour ma douleur, transfigurée dans la charité de la croix ; pour mes fautes, pardonnées dans le sang de Jésus.

Il y a cinquante ans, le Concile Vatican II indiquait l’essentiel de l’attitude chrétienne en nommant « la joie et l’espérance » ; « Gaudium et spes »[2]. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes et qu’on vit dans un monde de béate gentillesse ; le Concile nomme aussi, immédiatement : « les tristesses et les angoisses ». Mais la joie reste première, fondamentale. Telle est la première grâce de l’évangile ; tel est aussi le premier commandement.




[1] Paul VI, Lettre apostolique Gaudete in Domino [9 mai 1975] ; IV. La joie dans le cœur des saints.

[2] Concile Vatican II, Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes [7 décembre 1965]

vendredi 5 décembre 2014

2ème dimanche de l'Avent - année B



Le livre d’Isaïe proclame un message bien singulier de la part du Seigneur : « Consolez, consolez mon peuple » (Is 40, 1). A l’époque du prophète, comme aujourd’hui, le monde était à feu et à sang et, dans ces conditions, c’est plutôt la violence que nous avons l’habitude de voir ; ce sont les crimes qui attirent aujourd’hui les médias du monde entier, afin que le monde entier voie en direct la mort, le deuil et le carnage. Pourtant, si nos yeux sont habitués à la violence, il nous faut apprendre à voir que, pour nous, chrétiens, il n’y a pas que la violence. Saint Augustin proposait de résumer ainsi l’histoire du christianisme : « l’Eglise poursuit son pèlerinage entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu »[1]. C’est-à-dire que tout homme, chrétien ou non, est confronté à la dureté du monde, aux injustices, aux malheurs, aux guerres ; mais le chrétien, lui, possède un second regard, qui lui montre non plus ce qui vient du monde, mais ce qui vient de Dieu. Et il découvre alors qu’une consolation est possible ; bien plus : qu’une consolation est à l’œuvre. L’Eglise est le lieu où la consolation de Dieu vient rejoindre les hommes, quand bien même ceux-ci seraient affligés par la violence du monde.
Il faut remarquer encore une autre chose singulière. Dieu ne dit pas simplement : « je console mon peuple », comme si la consolation tombait du ciel. Dieu dit à son peuple, à des hommes de son peuple : « consolez ». C’est un ordre, un commandement. Car, si l’Eglise est le lieu de la consolation, c’est, bien sûr, parce que nous recevons de Dieu la grâce de la consolation. Mais toute grâce a son commandement, de même que tout commandement possède sa grâce. Ainsi, au moment même où Dieu nous console, il nous dit encore : « consolez ». Parce que Dieu qui nous donne tout, ne veut pas nous donner sans notre concours. Aussi, nous sommes, dans l’Eglise, responsables de la consolation que nous nous apportons mutuellement. Saint Paul fait écho à ce texte d’Isaïe, lorsqu’il formule cette louange :

Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ,
le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation,
qui nous console dans toute notre tribulation,
afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu,
nous puissions consoler les autres
en quelque tribulation que ce soit (2Co 1, 3-4).

Dieu console les uns, pour qu’ils consolent les autres. Si chacun prend à cœur de consoler ceux qui sont l’affliction, alors la consolation qui vient de Dieu porte tous ses fruits dans une charité qui va vers les autres ; la consolation devient contagieuse. Ainsi, à chacun d’entre nous, Dieu demande d’aller consoler son frère, ses proches, les gens de sa famille. Et en consolant les autres, on se console déjà soi-même. Les épreuves sont si fréquentes : le chômage, la maladie, la dépression… tout cela vient du monde, et nous fait du mal. Si nous ne faisons rien pour aider ceux qui souffrent de cela, alors la consolation reste une idée pieuse, un peu utopique, généreuse, mais vide. Au contraire, si nous choisissons de consoler quelqu’un qui a perdu son travail, quelqu’un qui est inquiet pour l’avenir, quelqu’un qui est déprimé, alors c’est Dieu qui, par nous, console son peuple. Nous serons ainsi les ministres de la consolation de Dieu – quelle exigence, mais quelle grâce aussi.
Evidemment, toutes les misères du monde nous dépassent, et il ne nous est pas demandé de sauver la terre entière. Cela le Christ l’a fait, une fois pour toutes. Il nous faut simplement faire ce qui est à notre mesure, selon nos forces, mais aussi de toutes nos forces. Et nous découvrirons alors que c’est en consolant que nous sommes consolés ; c’est en ayant le souci désintéressé du bonheur des autres que nous trouvons pour nous-mêmes la vraie joie.
François d’Assise, dont toute la vie fut de suivre le Christ dans la pauvreté de son Incarnation, celui à qui nous devons la dévotion à la crèche, a résumé ce message de consolation dans une prière célèbre qu’on ne récite jamais en vain. Faisons nôtre ce texte de lumière et de paix :

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie »[2].




[1] Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 51 ; cité par le Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n° 8.

vendredi 28 novembre 2014

1er dimanche de l'Avent - année B



Le prophète Isaïe (63, 16 – 64, 7) était un poète. Il sait décrire l’état de l’humanité avec des images et des mots extrêmement suggestifs. De quoi parle-t-il ? De vêtements salis, de feuilles mortes emportées par le vent, qui sont le symbole de nos cœurs insensibles à la bonté de Dieu et de notre obstination quotidienne dans nos petits péchés confortables. C’est que, lorsque nous faisons un petit effort pour nous connaître un peu lucidement, nous voyons en général le bon côté des choses, les avantages de nos imperfections et les excuses de nos lâchetés. Nous savons, par exemple, que nous ne sommes pas très généreux, mais nous trouvons tellement de compensations dans notre égoïsme que nous ne voyons pas qu’il nous souille. Ou bien nous nous rendons compte que nous avons des idées étroites, intransigeantes, que nous disons parfois des paroles blessantes, mais cette affirmation de nous-mêmes nous donne l’impression d’être quelqu’un et nous refusons alors de nous remettre en cause ; cela exalte notre volonté mais asphyxie notre vie spirituelle, et nous ne souhaitons pas devenir plus charitables, plus indulgents. Parfois nous faisons des actes que nous trouvons beaux, dont nous sommes fiers, nous pensons accomplir de bonnes actions, et nous ne voyons pas que nous n’agissons qu’en fonction de nous-mêmes, sans vraiment penser aux autres ni à Dieu ; ainsi, même le bien que nous faisons est étriqué par la recherche de notre propre prestige. Alors, dit Isaïe, nous pensons nous revêtir de nos actions éclatantes comme de vêtements somptueux, et nous ne voyons pas que ce sont des vêtements salis. Parfois, enfin, nous croyons que nous conduisons notre vie et que nous sommes capables de prendre de vraies décisions, mais nous ne voyons pas que nous nous laissons influencer par les opinions, par la mode, par l’image que nous voulons donner de nous-mêmes. Nous sommes finalement comme ces feuilles d’automne qui ne savent pas faire autre chose que de tomber par terre et se laisser emporter par le vent froid, tout en ayant l’illusion que ce sont elles qui se dirigent. Voilà, dit Isaïe, l’état de notre petite vie que nous croyons belle et qui est en fait assez pitoyable.
Dieu, qui regarde ce spectacle consternant sans avoir, lui, aucune illusion sur nous, pourrait se dire que nous ne méritons pas d’être pris en considération. Nous sommes tellement mesquins, tellement centrés sur nous-mêmes, que cela ne vaut pas la peine qu’on s’occupe de nous. Et pourtant Dieu, qui aurait bien de raison de nous traiter par le mépris, ne veut pas nous mépriser : « et pourtant, nous serons sauvés » dit Isaïe (64, 4). Quel paradoxe ! Y a-t-il, de notre côté, une raison qui pourrait pousser Dieu à venir à notre secours ? Non (cf. Dt 9, 4-5) ; il n’y a que notre médiocrité, notre méchanceté quotidienne, notre lâcheté confortable et hypocrite, et cela ne peut expliquer qu’on s’intéresse à nous. Mais Dieu est plus grand que tout cela ; il est « plus grand que notre cœur » (1Jn 3, 20), et son regard bienveillant ne voit pas en nous notre pauvreté ; il voit surtout qu’il est « notre Père » (Is 63, 16 ; 64, 7). Aussi, ce n’est pas en se fondant sur ce que nous sommes qu’il vient nous sauver. C’est en se fondant sur ce qu’il est, lui – notre Père – qu’il est ému de compassion et qu’il vient à nous pour nous tirer du malheur auquel nous nous étions habitués.
« Voici que tu es descendu » (Is 64, 1) : a-t-on déjà vu un Dieu qui accepte de partager la condition misérable de l’homme ? Les dieux des païens se définissaient plutôt comme parfaitement étrangers aux misères humaines ; ils se réfugiaient sur l’Olympe, ils habitaient une gloire qui les éloignait de toutes nos faiblesses. Mais le Dieu d’Israël n’agit pas ainsi : c’est un Dieu qui vient vers nous, qui vient en nous. Il n’a pas peur de nos pauvretés ; il n’a pas honte de partager nos inquiétudes, alors que c’est par notre faute que nous sommes inquiets. Il ne renonce même pas à choisir parmi ses disciples les pécheurs que nous sommes, alors que, sept fois par jour, nous savons bien le trahir.
Le mystère de Noël que nous nous préparons à fêter célébrera ce choix bouleversant de Dieu qui, alors que nous ne méritions aucune considération de sa part, a renoncé à sa propre gloire pour prendre sa part de souffrance et d’angoisse. Il a accepté d’être rejeté (par nous), d’être incompris (de nous), d’être jugé (par les coupables que nous sommes) ; il a accepté d’être pauvre, d’avoir faim, il a accepté de mourir pour nous, non pas parce que nous étions les meilleurs des hommes, mais parce que notre misère l’a bouleversé. Il voulait changer nos cœurs étroits et malades en des cœurs pleins de confiance et de charité. C’est pour cela qu’il vient ; nous résignerons-nous à le décevoir ?


jeudi 20 novembre 2014

Christ Roi - année A

Un auteur américain, plein d’humour et assez anticlérical, a écrit, à la fin du XIXe siècle une fable pleine de fraîcheur[1]. Au moment où naissait le prince héritier de la couronne d’Angleterre, naissait – exactement au même instant – un petit pauvre. Les hasards de la vie et les besoins de l’intrigue font que ce petit prince et ce petit mendiant se ressemblent étrangement, comme deux jumeaux ; ils se rencontrent et, par jeu, échangent leurs costumes et leurs rôles. Et voilà que, dans un quiproquo invraisemblable, le petit mendiant est reconnu comme roi, tandis que le jeune prince est jeté hors du palais sans ménagement. L’enfant roi découvre alors la misère de son peuple ; sans cesse enfermé dans son univers de richesse, de protocole et de noblesse, il ignorait tout de la pauvreté, de la faim, de la maladie et de la prison. Mais ainsi projeté parmi les gueux, les mendiants, les voleurs, il fait l’expérience d’un monde de souffrance et de peine dont il ne soupçonnait pas l’existence. A la mort du roi, son père, échappant à un complot et aidé par un jeune chevalier qui fait confiance à ses bizarreries princières, l’héritier légitime revient finalement in extremis ; le petit mendiant, qui, entre temps, n’a pas tellement apprécié la vie de la cour et qui allait être consacré roi par erreur, lui cède bien volontiers la place à la tête de l’Etat.



Cette histoire savoureuse et enfantine reprend un très vieil archétype que Jésus utilise également dans l’évangile que nous venons d’entendre. Le roi dont parle Jésus est, comme ce jeune prince anglais, semblable à tous les mendiants de son royaume de sorte qu’il peut dire au sens propre : « j’avais faim… j’avais soif…j’étais malade… j’étais en prison… » (cf. Mt 25, 35-36). Est vraiment roi celui qui a fait l’expérience de toutes les misères de son peuple, celui qui est capable de compatir réellement à toutes les détresses. Evidemment, quelques royautés décadentes nous ont donné une image plus frivole : célébrité, bals, luxe et richesse. Mais il faut chasser de notre esprit ces images futiles. La royauté dont parle Jésus n’a rien à voir avec ces plaisirs mondains.
Si Jésus est vraiment roi, cela veut dire qu’il n’est indifférent à aucune de nos angoisses. Et plus encore, cela veut dire qu’il en est affecté concrètement, personnellement. Lorsque nous souffrons, Jésus souffre avec nous ; Jésus souffre en nous. Le jeune prince de la fable n’était pas seulement triste de loin – il est allé à la rencontre des miséreux. De même, Jésus ne se désole pas de nos souffrances en étant confortablement installé dans sa gloire céleste. C’est bien en étant venu partager en tout nos pauvretés – jusqu’à mourir et à mourir sur une croix – c’est bien en souffrant non seulement pour nous, mais avec nous, qu’il s’est fait reconnaître comme notre Roi. C’est sur la croix, en effet, alors que Jésus transformait toute souffrance en amour, que Pilate fera inscrire ces mots dérisoires et en même temps prophétiques : « Le Roi des Juifs » (Mt 27, 37).
C’est pourquoi on peut dire que le règne de Jésus est « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (préface de la messe). Un roi qui a souffert du mensonge, de l’injustice, de la haine et de la guerre, un roi qui a souffert la mort même, sait comment il peut régner. Son royaume n’est pas sans misères, certes. Mais chaque détresse peut y trouver un soulagement, parce que dans chaque souffrant on discerne le visage du Roi lui-même. « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).

Elisabeth de Hongrie, une sainte reine fêtée la semaine dernière, avait admirablement compris cela, en vivant d’une manière radicale la spiritualité de pauvreté franciscaine. Elle ne se contentait pas de prier, et d’aider les pauvres en vivant elle-même dans la facilité ; sa charité était théologique, contemplative. Elle savait « reconnaître » et « vénérer le Christ dans les pauvres »[2]. Il ne s’agissait pas pour elle d’être simplement riche, généreuse et pieuse ; devenue veuve, elle a voulu épouser la pauvreté pour partager en tout la vie de ceux qu’elle se proposait de secourir. Elle est ainsi passée d’une royauté humaine au royaume du Christ. Elle a eu faim avec ceux qui avaient faim, soif avec ceux qui avaient soif… et c’était là le secret d’une joie surnaturelle qui transfigurait son visage dans la prière.
Cet exemple de sainteté n’est pas une belle idée médiévale et inaccessible. Par le baptême, chaque croyant devient prêtre, prophète et roi : prêtre comme le Christ, pour offrir sa vie ; prophète comme le Christ, pour annoncer l’évangile ; roi comme le Christ, pour compatir à toute souffrance. En ces temps de détresse et d’angoisse, que les chrétiens n’oublient pas qu’ils ont reçu, dans la royauté du Christ, l’exigence d’une charité universelle et d’une miséricorde en faveur de tous ceux en qui Jésus souffrant se donne à contempler.




[1] Mark Twain, The Prince and the Pauper, 1882. Ce roman a donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques dont la première (en date et en qualité) est celle de W. Keighley, avec Errol Flynn (1937).
[2] Oraison de la fête de sainte Elisabeth de Hongrie (17 novembre). 

vendredi 14 novembre 2014

33e dimanche - année A



Dans les paraboles de Jésus, il est plus d’une fois question de voyage. Le personnage principal, le maître de maison ici (Mt 25, 14), le vigneron (Mt 21, 33) ou un roi ailleurs (Lc 19, 12), est présent au début, puis absent un long moment où se déroule l’action, puis reparaît en fin de compte pour la conclusion et la morale de l’histoire. Ce motif reproduit sans doute la vie quotidienne à l’époque de Jésus. Les marchands voyageaient vers l’Orient pour chercher leurs produits, les pèlerins voyageaient à Jérusalem pour aller célébrer quelque fête, les rois voyageaient à Rome pour faire confirmer leur royauté ; bref, la vie, c’était de voyager, de bouger. Ceux qui restaient chez eux, les “manants” comme on dit dans le français médiéval, étaient des ouvriers ou des domestiques de second rang, des gens de peu d’importance.
Mais voyager suppose d’assumer un double risque : d’abord le risque du trajet lui-même (cf. 2Co 11, 26) ; les dangers des routes étaient bien réels. Ensuite, le risque de laisser sa maison, sa famille, dans un pays où la sécurité intérieure n’était pas idéale. Le maître devait donc repérer quelques intendants fidèles, des serviteurs fiables, honnêtes et courageux, à qui il pourrait confier ses proches et ses biens (Mt 25, 14-15). S’il n’a personne de confiance, le maître ne peut pas partir ; il doit défendre en personne son domaine. Partir est un acte de foi.
Et la parabole suggère ainsi que cet acte de foi, Dieu l’a fait en notre faveur. Il a créé le monde, et puis il s’est retiré en nous confiant son œuvre totalement, sans retour. Et cela, nous le découvrons bientôt, est à double tranchant : nous sommes honorés de la confiance que Dieu nous fait, car c’est bien nous qu’il a daigné établir pour l’administration de tous ses biens ; mais – et c’est là que surgit la difficulté – il est donc absent et cette absence de Dieu peut paraître pénible. Il nous faut donc assumer seuls la confiance que Dieu nous a faite, et ce n’est pas si facile. Certains se montrent à la hauteur ; avec des prises de risque calculées, et du travail, ils font fructifier le capital qui leur a été confié (Mt 25, 16-17). D’autres prennent peur et se trouvent paralysés dans une stérilité traumatisante (Mt 25, 18). Et pendant ce temps, Dieu est loin. Et comme il n’y a pas de moyen de communication, Dieu n’encourage pas ses bons serviteurs, il ne rassure pas les inquiets, il ne corrige pas ceux qui s’égarent ; il ignore même ce qu’ils font. Dieu ne dit rien ; il ne fait rien. Evidemment, il aurait pu ne pas partir ; mais il est parti, il a pris ce risque, réellement.
Enfin, Dieu reparaît et règle ses comptes (Mt 25, 19). Si on lit la parabole du point de vue du mauvais serviteur, on ne peut manquer de le plaindre : le pauvre, il n’a pas eu de chance, le maître est dur… dans notre société, on trouve toujours des excuses pour les incompétents. Mais ceci est un regard doublement faussé. Tout d’abord, n’oublions pas qu’il ne s’agit que d’une parabole – c’est une image, pas la réalité. Et une condamnation en parabole, ce n’est qu’une mise en garde dans la réalité. Ensuite, la parabole ne parle pas tant des serviteurs que du maître de maison ; c’est bien lui le personnage principal et c’est donc avec son regard qu’il faut tirer la morale de l’histoire. Et cette morale peut alors être ceci : craignant raisonnablement quelques échecs, Dieu n’a pourtant pas hésité à remettre tout son bien aux hommes. Il espérait sans doute que sa confiance nous grandirait, nous inciterait à une vraie créativité, à une émulation constructive. Que pouvait-il faire de plus que de nous honorer de son crédit total ? En nous faisant confiance, Dieu a pris le risque d’être déçu ou trahi. La parabole ne dit pas que Dieu prend plaisir à accuser le serviteur incapable – il ne s’agit pas d’un maître cruel. Dieu est sans doute plus désolé encore que ce serviteur, il ressent l’échec de son homme de confiance comme une défaite personnelle.
Ce qui nous est demandé, c’est de prendre acte de notre responsabilité devant Dieu : il ne nous a pas simplement donné la création, comme on donne un cadeau à un enfant pour qu’il joue avec, selon son plaisir ; Dieu nous a confié la création, et il y a là quelque chose d’infiniment sérieux et de beaucoup plus grand. Il s’agit, pour nous, de montrer que nous sommes « dignes de confiance », « fidèles en peu de choses » (Mt 25, 21 ; 23). Libre à nous d’être frileux, lâches ou paresseux. Tout le monde n’est pas obligé de réussir. Mais celui qui accusera Dieu de nous avoir traités comme des adultes, celui qui lui reprochera comme une sévérité la confiance qu’il nous a accordée, celui-là ne peut s’attendre à de la bienveillance. « Tu es un homme dur » (Mt 25, 24), dit-il ; il sera jugé sur la logique de sa propre peur. Ce n’est pas tant de sa négligence qu’il lui est fait grief, que de son refus de voir que c’est par pure bonté que Dieu nous a créés libres et responsables.
Mais ne nous laissons pas impressionner par la finale, très austère de la parabole. Ce qui nous est proposé n’est pas de passer de la peur au châtiment ; ce que Dieu nous offre, c’est de passer de la confiance qu’il nous fait à la joie qu’il nous donne. Certes, il nous faut endurer l’absence de Dieu ; cette absence est la clause de notre vraie liberté. Si nous avons pris au sérieux notre mission d’homme et de chrétien, si nous avons plus ou moins réussi, et si nous n’avons pas douté de la grâce de Dieu, alors nous entendrons cette invitation bienheureuse : « entre dans la joie » (Mt 25, 21 ; 23).


vendredi 7 novembre 2014

Dédicace de la Basilique du Latran



La basilique du Saint Sauveur, aujourd’hui connue sous le titre de Saint Jean de Latran, est un grand édifice classique, en marbre blanc. Ce bâtiment fait partie d’un complexe monumental particulièrement riche de ce que l’antiquité chrétienne considérait comme des trésors spirituels : des reliques et des icônes. Si Aujourd’hui la basilique Saint Pierre et le Vatican symbolisent indubitablement le ministère du successeur de Pierre, depuis Constantin et pendant tout le Moyen Age, c’était au palais du Latran que résidait le Pape et que se réunissaient les Conciles. Saint Jean de Latran reste encore de nos jours la cathédrale de Rome.
La dédicace d’une Eglise, a fortiori d’une cathédrale, est un événement liturgique qui peut sembler étrange. Dieu, qui est le Créateur du monde, a-t-il besoin qu’un lieu lui soit consacré ? N’est-il pas chez lui partout ? Si, bien sûr. Et puis, l’Eglise, la véritable Eglise, n’est-ce pas le rassemblement des chrétiens ? Oui, évidemment. Paul le dit clairement : « vous êtes le temple de Dieu » (1Co 3, 16). Alors, si Dieu n’a pas besoin qu’on lui dédie un espace, et si son vrai sanctuaire, c’est la communion des croyants, quelle est l’utilité de célébrer un rite de consécration pour des murs de pierres ? Comment ce n’est pas simplement la prière des chrétiens qui opère la sanctification du bâtiment ? Pourquoi faut-il quelque-chose de plus ?



Il est clair que l’église de pierres n’est que l’image de l’Eglise spirituelle formée par la charité qui règne entre les croyants. Mais précisément, pour que la charité règne entre les croyants, il a fallu que Dieu accomplisse une certaine consécration des croyants. Car il ne nous est naturel ni de croire, ni de nous aimer les uns les autres. Ce n’est pas par nous-mêmes que nous avons pris la décision de croire ; la foi est un don de Dieu (cf. Ep 2, 8), nous le savons. Et, étant devenus croyants, ce n’est pas par nous-mêmes que nous sommes devenus capables de nous aimer les uns les autres. Si c’était naturel, le Christ n’aurait pas eu besoin de nous le commander ; mais il a fallu qu’il nous donne ce « commandement nouveau » (1Jn 2, 8) qui fait de nous des « hommes nouveaux » (cf. Ep 4, 24). Et cette nouveauté, c’est que, dans le commandement, Dieu nous donne aussi la grâce, la force sans laquelle nous serions incapables de nous aimer les uns les autres.
Quel est l’état de l’humanité lorsqu’elle est abandonnée aux lâchetés, aux mesquineries, aux jalousies de son égoïsme universel ? L’humanité est alors très exactement « une maison de trafic » (Jn 2, 16) : une sorte d’agitation où chacun recherche son petit intérêt, son petit confort ; un esclavage où chacun est asservi à soi-même, affairé à gagner cet argent qui ne peut que décevoir ; c’est une prison où chacun veut obtenir son petit avantage, le petit privilège qui lui permettra de se croire mieux loti que son voisin. Cet état de l’humanité est pitoyable, et ce n’est pas pour cela que Dieu a créé l’homme. Pour faire passer l’humanité de cette situation de misère spirituelle à quelque chose de conforme au commandement de Dieu, il a donc fallu accomplir une consécration.



Qu’est-ce que l’humanité baptisée, qu’est-ce que l’Eglise ? C’est vraiment une communauté de charité, où chacun aime les autres plus qu’il n’aime son confort (ou, du moins, ce devrait l’être) ; et c’est alors vraiment une « maison de Dieu » (Ep 2, 19 ; 1Tm 3, 15 ; cf. Gn 28, 17). Ainsi, Jésus peut vraiment dire de l’Eglise qu’elle est « la maison de (s)on Père » (Jn 2, 16). Cette Eglise, c’est aussi une communauté de résurrection : le sanctuaire a déjà été détruit, et il s’est déjà relevé (cf. Jn 2, 19-21). Dès lors, rien ne peut plus anéantir la vitalité de la foi, la solidité de l’espérance, la force de l’amour.
Ainsi, la consécration d’une église de pierres, c’est, vous le comprenez, le signe, l’image de ce qu’est le baptême pour l’humanité. C’est le baptême, c’est cette « eau » qui jaillit du sanctuaire (cf. Ez 47, 1-12), qui change l’humanité désunie en Eglise-communion. La dédicace, c’est pareillement ce qui fait d’un hangar matériel une église, le lieu de rassemblement des croyants dans la prière. Aussi, en fêtant la dédicace de Saint Jean de Latran, ce n’est pas tant le souvenir d’un événement passé concernant des murs que nous célébrons. Nous sommes surtout invités à reprendre conscience de notre consécration baptismale qui nous relie à tous ceux avec qui nous croyons, et qui nous engage à aimer tous les hommes, pour que l’humanité tout entière soit vraiment le temple de Dieu.


vendredi 31 octobre 2014

Commémoraison des fidèles défunts

« Tout homme est mortel, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel ». Ce syllogisme très simple, qui est souvent repris comme exemple parfait de bon raisonnement, se heurte pourtant à un problème infiniment douloureux : la mort de ce mortel qui s’appelait Socrate fut l’un des plus grands scandales de toute l’histoire antique. Si la possibilité que Socrate meure n’était qu’une conclusion logique, le fait que Socrate meure a bouleversé la pensée occidentale de fond en comble. Cette bien curieuse discordance tient au fait que nous avons deux regards sur le phénomène de la mort. Il y a le regard scientifique, médical, philosophique, qui sait définir la mort et qui sait l’envisager comme nécessaire pour tout homme ; à côté de ce regard technique et froid, une autre vision comprend que toute mort est un cataclysme qui conduit les proches de la victime à cette terrible épreuve qu’est le deuil – quant à savoir ce qu’est la mort pour le défunt lui-même, qui osera en parler ?



On peut alors proposer mille manières, angoissées ou consolantes, de parler de la mort et de l’au-delà. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, aujourd’hui. A ce sujet, l’antiquité avait déjà tout dit, et son contraire. Mais au-delà de toute la réflexion des premiers philosophes sur le sort des hommes après leur mort, le christianisme est fondé sur un événement, un fait advenu, solennellement proclamé depuis les origines : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1Co 15, 3-4). Pour le croyant, ce kérygme s’enracine bel et bien dans un fait, et non dans une idée : Jésus « a véritablement souffert et est véritablement ressuscité, non pas comme disent certains incrédules qu’il n’ait souffert qu’en apparence »[1].
Les premiers chrétiens avaient compris que la résurrection de Jésus avait une conséquence qui les concernait, eux, chacun d’eux : si Jésus est ressuscité, tous ceux qui croient en lui sont également appelés à la résurrection. La résurrection d’un seul ne peut se comprendre que dans le contexte logique de la résurrection de tous. Nous ressusciterons, nous aussi. Et les arguments s’éclairent mutuellement : « Or, si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité » (1Co 15, 12-13) ; « il est véritablement ressuscité d’entre les morts. C’est son Père qui l’a ressuscité, et c’est lui aussi, le Père, qui à sa ressemblance nous ressuscitera en Jésus Christ, nous qui croyons en lui, en dehors de qui nous n’avons pas la vie véritable »[2].



Le chrétien possède donc une conception originale de la mort, tout entière guidée par l’événement de Pâque. Cette conception n’est pas seulement une idée, mais elle se traduit avant tout dans des rites particuliers. D’une manière cohérente avec la mentalité antique, l’initiation chrétienne possède un lien mystique avec la mort et la résurrection du Sauveur : « Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ?  Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle » (Rm 6, 3-4). Telle est bien la conviction première qui introduit tout homme dans la foi chrétienne.
C’est pourquoi la liturgie chrétienne des funérailles reprend opportunément de nombreux éléments du rite du baptême. Le rite actuel exprime avec une grande sérénité cette espérance confiante que la Pâque du Christ soit aussi notre Pâque, que notre mort soit la sienne, que sa résurrection soit nôtre. Ce ne sont pas des détails de la liturgie : l’usage de l’eau bénite à l’absoute, la présence du cierge pascal sont autant de rappels du baptême, indiquant que le Chrétien, assumé par le Christ, entre avec lui dans la résurrection. La participation à une liturgie d’obsèques chrétiennes est donc un acte de foi concret en la doctrine de la résurrection. Dans le deuil, il ne s’agit pas de ne pas être triste ; Jésus lui-même a pleuré devant le tombeau de Lazare, qu’il allait ressusciter (Jn 11, 35). Mais il serait pourtant dommage que notre espérance ne soit pas plus forte que notre peine.




[1] Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes, II. Ignace d’Antioche est un évêque, mort martyr à Rome vers l’an 110.
[2] Ignace d’Antioche, Lettre aux Tralliens, IX, 2.