jeudi 21 août 2014

21e dimanche - année A




Dans la première lecture (Is 22, 22) et dans l’évangile (Mt 16, 19), il est question de clefs. Qu’est-ce qu’une clef ? Les formes des clefs ont bien varié au cours des époques. Au temps de Jésus, c’étaient des objets assez rudimentaires en bois ; fabriquées ensuite en métal, elles ont gagné en précision ; aujourd’hui, elles peuvent devenir des cartes, ou des codes électroniques, ou des empreintes infalsifiables. Sans faire une histoire complète de la serrurerie, il faut seulement relever que la clef est le dispositif complémentaire de la serrure, qui permet à un propriétaire de fermer ou d’ouvrir une porte. Posséder une clef, c’est ainsi détenir un certain pouvoir sur un lieu et sur ce qu’il contient.
Et voilà que nous risquons de tomber dans une lecture dévoyée de notre évangile ! Nous nous imaginons alors que le Royaume de Dieu serait une sorte de coffre-fort. Jésus, en confiant les clefs à saint Pierre, serait alors en train de recruter un vigile de confiance. Saint Pierre devient une sorte de gardien de banque qui surveille l’accès de la salle des coffres et qui n’admet à l’entrée que ceux qui possèdent un compte dans l’établissement et peuvent prouver l’honnêteté de leurs intentions. Jésus voudrait donc assurer la sécurité de son coffre-fort en ayant une serrure solide, une clef à complications, et un gardien fiable. Je force peut-être un peu l’image, mais il est pourtant probable que cette représentation monstrueuse ait traîné dans l’esprit de beaucoup de chrétiens.
Car cette lecture est totalement fausse. Ce n’est pas du tout cela qu’il faut comprendre. Le royaume de Dieu n’est pas un coffre-fort blindé dont l’accès n’est réservé qu’à une élite ; Dieu n’a pas mis de cadenas pour empêcher les hommes d’entrer dans le bonheur. C’est exactement le contraire : c’est nous qui mettons des cadenas pour nous protéger de Dieu ; c’est nous qui verrouillons nos vies dans leur petit confort ; c’est nous qui nous barricadons derrière nos petites opinions changeantes pour empêcher la vérité de venir nous déranger. Les clefs que Jésus confie à l’Eglise ne servent donc pas à fermer les portes du Royaume pour n’en laisser passer que quelques-uns ; les clefs que Jésus confie à l’Eglise servent à ouvrir les cadenas que nous avons mis dans nos existences, ces verrous qui nous gardent prisonniers de nous-mêmes. Si l’on pensait que ces clefs servaient à fermer hermétiquement la porte du Royaume, nous découvrons, au contraire, qu’elles ne savent qu’ouvrir les portes de nos vies. Car le Royaume que nous a annoncé Jésus est ouvert et accueillant : « je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin » (Mt 8, 11). Il nous suffit donc de sortir de nos étroitesses, il nous suffit de quitter nos mesquineries, de nous libérer de nous-mêmes pour entrer simplement dans ce bonheur de la communion en Dieu.



Tout le ministère de l’Eglise que Jésus confie à Pierre est un ministère de libération. L’Eglise a reçu de Jésus la mission de délivrer les hommes de leurs péchés, de leurs erreurs, de leurs rancunes, de leurs illusions. Cela est parfois difficile, et c’est pour cela qu’il faut des clefs. Car les mécanismes par lesquels les hommes s’enferment sont parfois complexes et résistants. Il faut alors utiliser toute la science des saints, toute l’expérience des maîtres spirituels, toute la pertinence de la grâce de Dieu pour débloquer ces vieux cadenas rouillés dont nous avons perdu les codes. C’est cela que l’Eglise accomplit en détenant les clefs du Royaume de Dieu. La vérité veut nous rendre libres (cf. Jn 8, 32) ; laissons-nous donc attirer par la lumière, laissons l’Eglise délier en nous ce qui nous emprisonne, et entrons ainsi dans la joie.



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