dimanche 30 juin 2013

13e dimanche ordinaire - Année C

En ce jour où, un peu partout en France, sont célébrées des ordinations, l’évangile que nous venons d’entendre illustre les conditions de l’appel du Seigneur. La manière de vivre des prêtres est difficile aujourd’hui ; il ne faut pas se faire d’illusions, c’était difficile également à l’époque du Christ. Nous allons en parler.
Mais avant d’évoquer ce sujet austère, il nous faut commenter la scène qui ouvre notre évangile, ce rendez-vous manqué entre Jésus et un village de Samaritains. Je ne pense pas qu’il faille lire cette anecdote d’une manière trop sérieuse. Il y a, je crois, une bonne dose d’humour dans cette péripétie. En effet, la situation rappelle à s’y méprendre un épisode du cycle d’Abraham (Gn 18-19) : après le passage des trois mystérieux visiteurs, un des nomades reste à discuter avec Abraham tandis que les deux autres partent en éclaireurs vers Sodome. La suite de l’histoire nous fait assister à la destruction de la ville corrompue dans un déluge de souffre et de feu. En se souvenant de cet épisode, Jacques et Jean interprètent l’inhospitalité du village samaritain : cette bourgade qui refuse d’accueillir le Seigneur n’est-elle pas semblable à la ville pécheresse d’autrefois ? Ne faudrait-il pas, alors, lui réserver le même traitement dont fut affligée Sodome ? Jacques et Jean, se considérant comme les deux anges ayant pris les devants, se proposent, si besoin est, d’invoquer le feu du ciel pour anéantir le village rebelle. Il ne faut pas mettre trop de tragique dans leur proposition. Ce n’est sans doute rien d’autre qu’une boutade biblique. Jacques et Jean savent très bien que Jésus est venu « non pas pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé » (Jn 3, 17). Ils savent très bien que Jésus n’est pas un violent qui voudrait détruire et saccager le monde créé par Dieu ; il ne veut pas faire le malheur des hommes. Aussi, je ne peux pas interpréter le mot de Jacques et Jean autrement que comme une sorte d’humour évangélique ; et je ne peux pas comprendre la réaction de Jésus autrement que comme une réprimande souriante, comme pour approuver l’incongruité de ce mot d’esprit. Avec cette plaisanterie, il est maintenant clair pour tout le monde que Sodome ne sera plus jamais détruite par le feu du ciel ; le temps du Dieu vengeur est aboli ; l’ancien Testament est terminé.
Ceci étant précisé, il est ensuite question de l’exercice du ministère dans l’Eglise. Jésus est venu pour sauver le monde et, pour cela, il appelle à lui de manière particulière certains hommes afin que, par eux, le message de l’évangile soit annoncé à tous. Jésus dit : « Suis-moi » ; des hommes répondent : « Je te suivrai ». Mais on voit aussi que Jésus met en garde ceux qui veulent le suivre : « le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête » ; des hommes expriment une réticence : « mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison ». Ces petits dialogues décrivent très bien la radicalité de la vocation qui est un appel tout-puissant ; ils illustrent aussi combien la vocation est un appel difficile – Jésus ne trompe personne – auquel les hommes peuvent prendre le temps de répondre. C’est dans ce dialogue exigeant et lucide que se joue aujourd’hui encore le mystère d’une vocation sacerdotale. Consacrer sa vie au service de l’Eglise, non pas par générosité, mais en faisant l’offrande sans retour de son existence, est une décision complète, absolue. Il s’agit d’offrir son enthousiasme, les forces de sa jeunesse, son intelligence. Le prêtre n’a évidemment pas d’autre vie pour “profiter de la vie”. Aussi, Jésus décourage ceux qui ne seraient pas prêts à renoncer ; il ne veut pas de vocations qui soient un feu de paille. C’est beau, un feu de paille, mais ça ne chauffe pas beaucoup et ça n’éclaire pas longtemps. Il est certain que la vocation sacerdotale est aussi une grande joie ; il suffit d’écouter des prêtres anciens raconter leur ministère : ils évoquent des coups durs et de grandes joies pastorales. Le bonheur d’être prêtre est bien réel, mais c’est un bonheur qui, comme toute grâce, est exigeant.
Enfin, quel lien peut-on faire entre la plaisanterie du début et ces petits dialogues sur la vocation ? On comprend d’abord que la vocation dans l’Eglise ne consiste pas à être au service de la colère de Dieu. Si des hommes ont eu l’idée d’un Dieu vengeur, d’un Justicier violent, le Christ a montré que « Dieu est amour ». Aujourd’hui, le ministère des prêtres dans l’Eglise est de manifester l’amour de Dieu. Ensuite, le contraste entre la boutade et les dialogues suggère qu’il ne faut peut-être pas prendre au tragique les difficultés du ministère. Un prêtre est toujours confronté à des tas de problèmes qui le dépassent et qui sont des problèmes sérieux, difficiles. Mais il y a une manière de “prendre au sérieux” ces problèmes qui nous écrase ; il y a une manière de traiter avec humour ces problèmes sérieux qui désamorce les difficultés et nous fait voir des solutions simples, évangéliques, aux questions embrouillées. En ce jour d’ordinations, prions pour les prêtres que Dieu choisit : ces jeunes gens ont entendu l’appel et, durant tout le temps de leur séminaire, ils ont réfléchi, médité, dans un dialogue fervent et loyal. Aujourd’hui ils répondent, acceptant une charge trop grande pour eux. Soutenus par les fidèles, qu’ils sachent voir les contrariétés du ministère avec bienveillance et simplicité. 

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