dimanche 7 juillet 2013

14e dimanche - Année C

L’évangile que nous venons d’entendre présente de façon contrastée la situation du disciple. Avec bon sens et humour, le Seigneur décrit la manière de vivre de ceux à qui il confie l’annonce de la Bonne Nouvelle. L’Eglise d’aujourd’hui se plaint parfois de sa faiblesse ; nous avons dans ce texte l’occasion de constater que ce n’était pas tellement mieux au temps des premiers chrétiens.
Qui sont-ils ces messagers de l’évangile ? Il apparaît de manière très claire que, dès l’époque des Apôtres, des hommes étaient choisis et se consacraient entièrement au ministère de l’Eglise. Il existait déjà dans l’Eglise un ministère stable, à temps complet, pour ceux qui devaient enseigner la foi. C’est pourquoi le Seigneur dit, en parlant de ces ministres : « le travailleur mérite son salaire » (Lc 10, 7). Si ces messagers de l’évangile avaient été des chrétiens vivant dans le monde, ils auraient vécu de leur métier, gagné leur vie par un travail, et puis ensuite, par générosité, ils auraient annoncé la bonne nouvelle. Mais ce n’est pas le cas ; ces hommes ont renoncé à toute activité lucrative et, pour vivre, ils n’exercent pas d’autre travail que celui de la prédication. C’est que donner sa vie n’est pas accessoire quand il s’agit d’annoncer l’évangile. Ils ont donc consacré leur vie de manière totale ; en retour, ils doivent pouvoir compter sur le soutien et sur l’aide matérielle des fidèles. On voit que la manière dont fonctionne l’Eglise actuelle n’est finalement pas très différente de la pratique des premiers chrétiens pour ce qui concerne l’organisation du ministère.
On voit ensuite que le contexte est celui d’une pénurie de main d’œuvre : « la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Lc 10, 2). On croit parfois que la pénurie de main d’œuvre est un fléau moderne. On constate, en particulier, de nos jours, que toute profession dans laquelle il y a une baisse des effectifs, tout secteur qui ne parvient pas à recruter suffisamment de candidats, est frappé de doute, entre dans une crise d’identité. Et ceci est vrai – il faut bien le reconnaître – pour ce qui concerne le clergé. Par manque d’effectifs, par rareté des vocations, beaucoup de prêtres ne savent plus ce qu’est un prêtre et vivent dans un certain désarroi qui est une grande souffrance pour toute l’Eglise. Cette tentation du prêtre qui voit, un peu partout en France, que plus personne ne veut devenir prêtre, qui prend conscience que ce qu’il fait aujourd’hui au service de Dieu et de l’Eglise ne sera peut-être pas continué demain, après lui, cette angoisse doit motiver la prière de tous les fidèles : « Priez le maître de la moisson » (Lc 10, 2).
Il faut bien voir aussi que le ministère qui est proposé peut intimider. Jésus, avec un peu d’humour et beaucoup de lucidité, prévient ses disciples : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » (Lc 10, 3). Qui serait raisonnablement candidat pour une telle mission ? Quel agneau est disposé à aller évangéliser les fauves ? Une fable de La Fontaine dit très bien ce qui se passe lorsqu’un loup croise un agneau. La formule de Jésus est volontairement exagérée : tous les missionnaires de l’évangile ne sont peut-être pas des agneaux et tous ceux qui ont besoin d’être évangélisés ne sont peut-être pas des loups. Mais, avec vérité, Jésus prévient, plus sérieusement, que l’évangile sera parfois accepté, parfois combattu, souvent rejeté. Les messagers de la bonne nouvelle seront accueillis dans certains villages et pourchassés dans d’autres. Là encore, la situation est réaliste ; ce que Jésus évoque est toujours d’actualité. Les messagers de l’évangile ne sont pas à chaque fois mis en pièces, mais il faut reconnaître qu’ils sont plus ou moins bien accueillis. Et il n’est jamais confortable d’être ainsi mis dehors.

Enfin, il faut bien s’étonner du climat de joie qui vient conclure notre page d’évangile. Ces ouvriers en trop petit nombre, ces agneaux envoyés au milieu des loups, ces disciples chassés hors des villages exultent d’un bonheur radieux. Au milieu de toutes les épreuves, ils ont commencé de voir que le péché était vaincu par la foi, que la souffrance était soulagée par la grâce, que l’erreur était repoussée par la vérité. Et cette joie incommensurable dépasse tout ce qu’ils ont eu à endurer. Et Jésus ajoute encore à cette joie par une promesse merveilleuse : « vos noms sont inscrits dans les cieux » (Lc 10, 20). Dans l’Antiquité, les rois et les empereurs avaient l’habitude alors d’inscrire leur nom sur les monuments qu’ils construisaient. Et ces noms étaient écrits pour les siècles à venir. Aujourd’hui encore, on lit les noms de Ramsès II ou de Jules César sur des édifices – et c’est une notoriété enviable. Mais les noms des messagers de l’évangile sont écrits dans les cieux d’une écriture éternelle ; leurs noms sont gravés à jamais dans le cœur de Dieu. C’est une joie surhumaine qui leur est ainsi offerte. Saint Paul disait que la joie d’un seul, dans l’Eglise, fait le bonheur de tous, que la souffrance d’un seul fait la tristesse de tout le corps. Il est vrai les épreuves des prêtres  et des missionnaires causent une réelle souffrance à tous les chrétiens. Mais maintenant, retenons surtout que c’est la joie qui est la plus forte. Que le bonheur des évangélisateurs, des diacres, des prêtres – et en particulier de ceux qui ont été ordonnés dimanche dernier – que cette joie vienne transfigurer toute l’Eglise. 

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