dimanche 16 juin 2013

11e dimanche du temps ordinaire - Année C

« Qu’est-ce que je pouvais faire de plus ? ». Voilà la question qui retentit depuis l’aube de l’humanité, par laquelle Dieu, totalement déconcerté par l’infidélité de ses enfants, se demande comment on peut choisir le péché plutôt que la grâce. Et il interpelle le pécheur pour tenter, une dernière fois, de le ramener à lui. « Je t’ai fait roi d’Israël, je t’ai sauvé de la main de Saül… et si ce n’est pas encore assez j’y ajouterai tout ce que tu voudras. Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? » (2S 12, 8-9).
Assurément, les relations entre Dieu et les hommes sont loin d’être simples. Nous avons d’un côté le Seigneur. Il est un Père plein de bonté qui ne ménage pas ses forces dès qu’il s’agit de donner à l’humanité un témoignage de son amour et de sa bienveillance. Et de l’autre côté, nous voyons l’homme qui, comme un enfant gâté et mal élevé, profite de tout ce que lui donne son Père, sans pour autant lui témoigner aucune gratitude et – pire encore – mettant à profit ses privilèges pour tomber lui-même dans la délinquance comme s’il se disait : “mon père est puissant – je m’en tirerai toujours”. Ce modèle du “sale gosse”, du “fils de riche mal éduqué”, du “voyou des beaux quartiers” décrit bien David devant le Seigneur, et nous dit aussi qui est l’homme pécheur devant Dieu.
La manière dont la Bible décrit l’ignorance de Dieu devant le mal est vraiment bouleversante. On voit bien que Dieu ne comprend pas comment l’homme, qu’il aime plus que lui-même, peut ainsi se comporter de façon misérable. C’est qu’il n’y a rien à comprendre. L’homme n’a aucune excuse. Rien ne justifie le moindre péché, rien n’excuse le plus petit blasphème. Dieu a donné à ses enfants tout son amour, et pour manifester sa bonté, Dieu a choisi de l’exprimer en offrant à l’homme des signes concrets. Qu’on se rappelle : le Paradis donné à Adam n’était pas peu de chose – et Adam a péché ; la liberté donnée aux Hébreux hors d’Egypte n’était pas un détail – et le peuple a adoré le veau d’or ; la royauté donnée à David n’était pas une bagatelle – et David s’est comporté comme un vulgaire meurtrier, en faisant assassiner Urie pour prendre son épouse (2S 11) ; et enfin, le Christ qui venait à nous était la grâce suprême – et nous avons tué le Christ.
Il y a dans cette attitude de l’homme une vraie désinvolture. Le péché de l’homme est d’autant plus ridicule qu’il se situe clairement dans le registre de la petite délinquance. David n’a pas voulu renier Dieu en face, il ne s’est pas révolté contre Dieu directement – cela c’est le péché de l’ange qui est, Dieu merci, un orgueil peu accessible à l’humanité. Le péché de David est simplement lamentable, pitoyable, c’est le péché d’un petit caïd qui pense que la mort d’un homme n’est rien si cela peut lui apporter quelque avantage. David s’est comporté comme un criminel de bas étage, comme un sauvageon qui ne mesure pas la gravité de son caprice. Et Dieu se demande, comme un père désemparé par son enfant, qui n’avait pas imaginé une telle déchéance : « Qu’est-ce que je devais faire de plus ? ».
Et Dieu ajoute autre chose. Parce que David n’est finalement pas un si mauvais garçon, il suffit qu’on le gronde un instant pour qu’il prenne conscience qu’il a été un petit minable et qu’il avoue : « J’ai péché contre le Seigneur » (2S 12, 13). Le péché de l’ange est sans aveu, et donc sans pardon. Mais le péché de l’homme est avouable et David, comme un enfant qui n’a pas su cacher sa bêtise a avoué en pleurant. Est-ce un vrai repentir ? Est-ce l’émotion d’un instant ? Est-ce une conversion durable ? On ne sait pas. Mais ce qu’on voit, c’est que cela suffit pour provoquer de la part de Dieu cette réaction étonnante et, peut-être, irresponsable : « Le Seigneur a pardonné ton péché » (2S 12, 13). Comment donc ? Voilà un homme à qui Dieu a tout donné, qui se comporte comme un vaurien et qui, au prix de quelques larmes, obtient de Dieu une miséricorde complète ! Voilà qui est scandaleux. Mais où est la punition ? où est la réparation de la faute commise ? où est la justice des hommes qui demande qu’un délit soit jugé ? David n’a nul besoin d’invoquer des circonstances atténuantes ; il n’a pas besoin d’un avocat pour plaider sa cause. David est pardonné. C’est tout.
Cette image d’un père trop bon et d’un fils mauvais garnement, petite crapule, est une manière que la Bible a de nous faire comprendre combien notre péché est quelque chose de mesquin. Il n’y a pas de commune mesure entre la bonté universelle de Dieu et nos petites turpitudes égoïstes. La bonté seule possède une vraie grandeur ; le mal que nous commettons n’est qu’une pitoyable gaminerie. Et une gaminerie peut être une bêtise d’inconscient, un caprice d’irresponsable, mais elle peut faire du mal. Les journaux sont pleins de ces faits horribles commis par des enfants à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession. Assurément, il vaut mieux que ces gamins se confessent, et surtout qu’ils prennent conscience de la disproportion ridicule entre leurs petites affaires louches et la bonté de Dieu. Alors, en découvrant un peu la bonté de Dieu qui nous a tout donné, nous pourrons construire une vie dans laquelle le péché n’aura plus d’intérêt. Pourquoi chercher à obtenir, par des magouilles stupides, en faisant le mal,  quelque chose de décevant alors que Dieu veut nous donner le seul bien capable de nous combler ? Commencer de réfléchir à cette question c’est se décider à être chrétien. 

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