vendredi 8 mai 2015

6ème dimanche de Pâques - année B


« Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). Cette parole de Jésus a été tellement répétée, qu’on ne voit peut-être plus très clairement ce qu’elle a d’original, comment elle est un « commandement nouveau » (Jn 13, 34 ; 1Jn 2, 7-8 ; 2Jn 5). Est-ce seulement une invitation à l’amour plutôt qu’à la violence ? Si ce n’était que cela, Jésus ne serait qu’un pacifiste. Ce commandement est-il d’abord une exigence morale ? Certes, il y a bien une exigence morale, puisque Jésus ajoute : « si vous êtes fidèles à mes commandements vous demeurerez dans mon amour » (Jn 15, 10). Mais, ce commandement va plus loin. S’agirait-il alors d’une sacrifice, puisque Jésus déclare encore : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Oui, la logique de l’amour nous pousse à l’offrande, comme Jésus nous l’a montré dans l’Eucharistie et sur la Croix. Tout cela est vrai. Et pourtant, cela ne permet pas encore de distinguer véritablement le commandement de l’amour chrétien d’une simple générosité humaine authentique.
Je voudrais vous faire remarquer autre chose qui permet de mieux comprendre ce que ce commandement a d’original. Un commandement, en général, s’adresse à une personne qui, par l’ordre qui lui est donné, est constituée responsable d’une action. Si on me dit : « aime ton prochain », je peux me demander : « qui est mon prochain ? » (Lc 10, 29), et je deviens alors responsable de l’amour que je lui porte ; en revanche, ma responsabilité ne serait nullement engagée si ce prochain, que j’aime, était haï par d’autres. Et même si tous les hommes ont reçu ce commandement : « aime ton prochain », chacun n’est responsable que de l’amour qu’il donne, ou ne donne pas, à ceux qui sont ses prochains.
Jésus, ici, ne dit pas : « aime ton prochain », mais « aimez-vous ». En donnant ce commandement au pluriel, il accomplit quelque chose d’inouï : il rend chacun responsable de l’amour de tous. Si je reçois le commandement : « aimez-vous », je dois d’abord faire un effort pour aimer, moi-même, ceux qui m’entourent. Mais je dois être également vigilant à ce que ne surgissent pas de haines par ailleurs. Nous découvrons que Jésus ne nous a pas seulement aimés, mais il a fait que nous nous aimions. Aimer comme Jésus nous a aimés signifie non seulement aimer soi-même ceux qui nous entourent, mais aussi veiller à ce qu’aucune discorde ne vienne blesser la charité, nulle part.
On peut illustrer cela dans les relations familiales. Un père, une mère ont pour devoir d’aimer leurs enfants. Ils aiment, chacun, personnellement, leurs enfants. Mais ils doivent veiller également à ce que leurs enfants s’aiment entre eux. Il ne suffit pas à l’équilibre d’une famille que les parents aiment chacun séparément ; ils sont encore les garants de la bonne entente fraternelle. Combien cela est délicat et difficile parfois ! Mais on mesure à la douleur ressentie à l’occasion des inimitiés fraternelles l’importance de cette vérité. C’est exactement cela que Jésus nous a commandé : il ne suffit pas que chacun soit responsable de l’amour que, personnellement, il donne aux autres. Jésus engage notre responsabilité chrétienne sur l’amour universel. Tant que, dans l’Eglise, deux personnes se haïssent, il est de la responsabilité de l’Eglise tout entière de faire qu’elles se réconcilient. Et personne ne peut se dire en règle du commandement de l’amour s’il subsiste une seule haine dans l’Eglise.
Vous voyez donc combien ce commandement de Jésus est original, car il s’adresse à toute l’Eglise ; il rend chacun de nous responsable de la charité de toute l’Eglise. Nous ne devons pas seulement aimer tous nos frères ; nous devons faire que tous nos frères s’aiment. Pour entrer dans cette exigence absolue, il n’y a pas d’autre moyen que de donner sa vie. De même que le Christ a offert sa vie pour tous les hommes, chacun est invité à le faire, à sa mesure, selon sa vocation : les parents donnent leur vie pour que leurs enfants s’aiment ; le prêtre donne sa vie pour que sa paroisse grandisse dans la communion et la charité ; chacun donne sa vie pour que ses proches vivent dans un amour vrai. Toute division, toute haine, tout schisme apparaît alors comme une blessure insupportable, qui nous placerait tous en défaut devant le commandement de Jésus. Hors de cela, il n’y a rien de chrétien. Nous pouvons nous souvenir de cette définition de la vie chrétienne : « Où sont amour et charité, Dieu est présent ».


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