dimanche 21 avril 2013

4ème dimanche de Pâques - Année C


« Je leur donne la vie éternelle » (Jn 10, 28). Cette phrase toute simple, presque anodine en apparence, est riche d’un sens spirituel très profond que je voudrais scruter avec vous. Reprenons les mots les uns après les autres.
Tout d’abord le verbe « donner » : qu’est-ce que donner ? D’une manière ordinaire, c’est l’acte par lequel quelqu’un (le donateur) transfère gratuitement sa propriété sur un objet, en l’offrant à quelqu’un d’autre (le donataire). Ceci paraît très simple. Il faut cependant remarquer une vraie difficulté : l’acte de donner est très bref, et une fois qu’il est accompli, il devient insaisissable ; le cadeau reste, mais le donateur, lui, peut être oublié depuis longtemps. Prenons un exemple : lorsque des grands-parents donnent un billet de cinquante euros à un petit-fils, ce billet est normal, semblable à tous les billets qui sont en circulation, indiscernable d’un billet gagné par le travail, d’un billet trouvé par terre, ou d’un billet volé. C’est un billet de cinquante euros, rien de plus. Si le petit-fils a de la reconnaissance, il se souviendra, au moment de le dépenser, que ce billet lui a été donné et il exprimera alors sa gratitude envers ses grands-parents, les donateurs. Mais si ce petit-fils est insolent, il pensera simplement que ce billet est à lui, qu’il peut en faire ce qu’il veut, et il oubliera de remercier les donateurs dont il se souvient à peine. Ainsi, ce qui a été donné devient, une fois que le don a eu lieu, un objet comme un autre et son nouveau propriétaire peut choisir d’être reconnaissant, ou pas.
Ensuite : « donner la vie ». La vie n’est pas une chose, ce n’est pas un billet de cinquante euros. Donner la vie, c’est l’acte des parents qui, dans un geste d’amour, font advenir une existence nouvelle dans l’humanité. Celui qui reçoit la vie, la reçoit en passant du non-être à l’existence. Qu’est-ce qui reçoit la vie ? Rien, précisément, puisque avant de recevoir la vie, il n’y a rien. C’est parce que j’ai reçu la vie que j’existe ; si je n’avais pas reçu la vie, je n’existerais pas, tout simplement. Il y a encore autre chose : la vie reçue est plus durable que l’acte de recevoir la vie. Être créé, c’est un instant, une étincelle dans la vie d’amour des parents. Vivre, c’est toute une durée qui s’épanouit de l’enfance à la vieillesse. Le plus souvent, lorsque les parents meurent, les enfants restent en vie – lorsque c’est le contraire qui se produit, c’est d’ailleurs une immense douleur. Pour autant, avoir reçu la vie, oblige à conserver un certain lien avec les donateurs de la vie. Personne ne peut vivre comme s’il n’avait pas de parents. Même un orphelin, même un enfant dont les parents sont inconnus sait qu’il vient de l’amour d’un père et d’une mère et il porte en lui-même une hérédité qui l’identifie ; les scientifiques diraient : un patrimoine génétique. Cet homme peut n’être pas reconnaissant envers ses parents, il peut leur en vouloir, mais il porte en lui-même, qu’il le veuille ou nous, le souvenir toujours présent que c’est d’eux qu’il a reçu la vie.
Enfin : « donner la vie éternelle ». L’éternité est quelque-chose dont nous n’avons pas l’expérience et qui est difficile à définir. Les premiers chrétiens voyaient dans l’éternité la possession plénière d’une vie toujours présente. L’éternité est donc, par définition, quelque-chose de vital : si la mort est définitive, la vie seule est éternelle. Saint Jean explique aussi : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, Dieu unique et véritable, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). La vie éternelle ne peut donc être que connaissance de Dieu et libre reconnaissance à Dieu pour la vie reçue.
Les dons matériels peuvent déboucher sur l’égoïsme ; ou peut pourrir un enfant à force de le gâter. Le don de la vie peut-être un fardeau, si l’hérédité est pesante, si l’histoire familiale est conflictuelle. Le don de la vie éternelle coïncide nécessairement avec la plus belle et la plus heureuse gratitude.
Pour conclure, il faut remarquer le sujet du verbe « donner la vie éternelle » : « je ». En Grec, ce pronom est le plus souvent sous-entendu ; lorsqu’il est exprimé, il indique une insistance. Dans ce passage, il est exprimé. Jésus veut qu’on fasse attention : « celui qui donne la vie éternelle, dit-il, c’est moi ». Car il n’y a pas d’autre manière de recevoir la vie éternelle que de reconnaître le donateur. Ceux qui oublient que Dieu seul est source de la vie éternelle, ceux-là comment pourraient-ils recevoir de lui cette vie ? Oublier que Jésus est la source de la vie éternelle, c’est refuser la vie éternelle, dit saint Jean.
« Je leur donne la vie éternelle ». Ces quelques mots, trop simples, contenaient, vous le voyez, un immense mystère qui nous invite à relire au plus intime de nous-mêmes ce qu’il en est de notre reconnaissance envers Jésus, envers Dieu. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.