jeudi 9 mai 2013

Ascension - Année C


Qui est le Saint Esprit ? Par deux fois, dans les lectures que nous venons d’entendre, saint Luc définit l’Esprit comme une force : « jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une force venue d’en haut » (Lc 24, 49) ; « vous allez recevoir une force, celle du Saint Esprit » (Ac 1, 8). Ce langage est un peu étonnant. Dans notre monde, dans lequel l’Eglise paraît affaiblie, on est plutôt enclin à souligner l’humilité, la discrétion de Dieu. Au Moyen Age, à l’époque de l’Eglise triomphante, oui, on savait ce qu’était la force de Dieu : c’était la puissance du Pape, le prestige des abbayes, la grandeur des évêques. Mais aujourd’hui, il ne reste plus rien de tout cela. Est-il donc convenable de décrire l’Esprit de Dieu comme une force ? Cela n’est-il pas anachronique et désuet ?
Revenons un peu avant le Moyen Age, à l’époque des Apôtres, où il n’y avait encore ni Pape puissant, ni riches abbayes. La puissance de l’Eglise se réduisait alors à une vingtaine de disciples un peu apeurés – surtout un peu lâches – sans instruction, qui passaient aux yeux du monde soit pour de doux illuminés, soit pour de dangereux agitateurs. Et cette petite assemblée de disciples attend une force venue d’en haut ! Le spectacle est sans doute comique, un peu pitoyable ; saint Luc a de l’humour. Evidemment, les Apôtres n’attendent pas une force venue d’eux-mêmes : ils savent bien qu’ils ne peuvent pas compter sur leurs propres ressources. Alors, étant par eux-mêmes totalement démunis, ils attendent donc une force du ciel. Et ils vont recevoir le Saint Esprit qui leur communiquera la force de Dieu.
Comment mesurer cette force ? En physique, je crois, une force se mesure par ses effets. Nous avons analysé la situation de départ : une vingtaine d’hommes désorganisés après la mort de leur chef, sans argent ni intelligence. Voyons l’effet : deux mille ans de Christianisme, avec tous les aléas, toutes les vicissitudes que nous connaissons et aujourd’hui, une Eglise qui va bien ou mal suivant les lieux, mais une Eglise qui tient le coup, qui continue d’annoncer l’évangile et de célébrer le sacrifice du Christ, une Eglise qui, dans les moments de paix comme dans les moments d’angoisse est capable de témoigner de la Vérité et d’inviter les hommes à un constant renouvellement spirituel.
Cela n’a rien à voir avec un pouvoir temporel. Si la force de Dieu a pu, à certaines époques, s’exprimer dans le prestige des institutions ecclésiastiques, cela ne constitue nullement la nature même de la force de Dieu. La force de Dieu, c’est plutôt le dynamisme de l’Esprit qui, à toutes les époques, avec énergie et inventivité, a donné à l’Eglise de tenir sa place dans le monde. A certains moments, le monde va bien, à d’autres, il va mal ; tantôt l’Eglise exerce une puissance temporelle, tantôt elle n’a plus d’autorité que spirituelle, tantôt cette autorité spirituelle même lui est contestée ; mais, dans la paix, dans la persécution, et dans l’indifférence même, la force de Dieu est bien là, qui agit et progresse.
Bien sûr que Dieu est discret, bien sûr qu’il ne s’impose pas à l’homme ; évidemment que l’Eglise doit être humble, qu’elle ne doit pas chercher à régner politiquement. Mais cela ne veut pas dire que le Christianisme serait sans force. On a parfois reproché à la morale chrétienne – “tendre l’autre joue” (Mt 5, 39) – d’être une morale de lâcheté, de faiblesse. Cette critique est sans fondement. Certes Dieu est vulnérable, et l’Eglise paraît fragile. Mais qui est le plus fort : celui qui se laisse conduire à la Croix sans résister ou bien celui qui se débat et qui répond à la violence par la violence ? Le Christ a choisi de tendre l’autre joue à ceux qui le frappaient. Je ne pense pas qu’il l’ait fait par lâcheté et je crois, au contraire, que son visage exprimait alors une bonté et une douceur miséricordieuse qui est, en définitive, la vraie force de Dieu. Sur le visage de l’homme le plus faible, près de mourir, est ainsi passé le reflet du Dieu tout-puissant dont l’entière toute puissance sert à désarmer la violence par le pardon et la haine par la douceur.
C’est dans cette logique que nous pouvons comprendre que l’Esprit Saint nous communique la force de Dieu. Nous n’allons pas partir en croisade, nous n’allons pas proclamer une guerre sainte – sinon contre nous-mêmes, contre nos défauts, nos mauvais penchants. Mais nous allons mettre en œuvre ce dynamisme spirituel que Dieu nous donne, dans l’élan de la Résurrection, afin que l’Eglise que nous sommes continue de témoigner de l’évangile, dans la force de la vérité, dans la force de la charité. 

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