dimanche 12 mai 2013

7ème Dimanche de Pâques - Année C


« Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17, 22) : voilà bien une phrase étonnante. Qu’est-ce que la gloire ? Si l’on va lire un dictionnaire, on trouvera ceci : « Célébrité grande et honorable en parlant des personnes » (Littré). Si l’on applique cela aux chrétiens, aux disciples du Christ, on se dit qu’il doit y avoir une erreur : où voit-on aujourd’hui que d’être chrétien rend célèbre et honoré ? Ceux qui ont mis leur foi dans l’évangile sont plutôt méprisés, quand on ne les persécute pas. Si c’est en ce sens là que Jésus parle de gloire, il y donc un vrai problème. Essayons de mieux comprendre.
Il semble que chez Jean, le mot de « gloire » ait un sens bien particulier qu’on peut tenter de cerner au mieux avec une formule en usage chez les premiers chrétiens : « si l’on vous persécute au nom du Christ, heureux êtes vous, car l’Esprit de la gloire et de Dieu repose sur vous » (1P 4, 14 ; cf. Ac 7, 55 [1ère lecture]). Qu’est-ce donc que la gloire ? A partir de ce verset, on peut dire : c’est le fait que Dieu donne son Esprit Saint à ceux qui sont persécutés. Ceux qui souffrent pour la vérité, qui sont outragés pour leur attachement à Dieu, qui subissent des humiliations pénibles et douloureuses, ceux-là sont soutenus par l’Esprit Saint.
Cela concerne en premier lieu le Christ lui-même. La gloire que Dieu lui a donnée consiste pour lui en la certitude que l’Esprit Saint vient consommer son sacrifice (cf. He 9, 14). La mort de Jésus sur la Croix est – il ne faut pas se raconter de sornettes – le plus grand échec, la plus grande humiliation possible. Voilà un homme qui a passé toute sa vie à annoncer l’amour et qui meurt de manière pitoyable, haï de tous, condamné par les Juifs et les Romains ensemble, conspué par tout Jérusalem et abandonné même de ses “amis”. On ne saurait imaginer une déroute plus retentissante. Et bien dans cette mort, qui, sans Dieu, ne serait qu’une fin navrante, se trouve la « gloire » parce que l’Esprit Saint vient transfigurer les derniers instants de Jésus. Dans l’Esprit Saint, nous savons que la honte de la Croix est devenue le témoignage suprême d’un amour invincible, nous découvrons que l’exécution d’un condamné lamentable est en réalité l’unique sacrifice qui relève l’homme, nous voyons enfin que cette mort pitoyable introduit l’humanité dans la logique d’une vie nouvelle. Voilà la gloire, qui reste bien discrète, bien ténue. Les hommes qui ont vu Jésus mourir n’ont pas remarqué qu’il y avait là la gloire de Dieu. Mais Jésus, lui, connaît la gloire que le Père lui a donnée.
Jésus a donné ensuite la gloire à ses disciples, à son Eglise. Il ne faut pas s’attendre à quelque chose de plus grandiose. La gloire ne peut se rencontrer que dans un contexte de persécution, alors qu’on croit que l’Eglise, exsangue, ne se relèvera plus. Que signifie donc que Jésus donne à l’Eglise la gloire ? Cela ne veut pas dire que Jésus envoie à son Eglise des épreuves et des malheurs – bien sûr. Mais Jésus prévient néanmoins, sans ambiguïté, ses disciples de ce qu’ils auront à souffrir. Et il leur donne cette assurance : de même que la « gloire » serait là lorsqu’il mourrait sur la Croix, de même la « gloire » sera là lorsque les Apôtres paieront de leur vie leur attachement à l’évangile. Les disciples du Christ recevront, au moment de leur témoignage, la force de l’Esprit Saint.
Dans un contexte de persécution violente, cela demande beaucoup de foi de voir dans l’assassinat de chrétiens la présence de la gloire de Dieu. Un meurtre, un massacre n’est jamais quelque chose de beau. Dans un contexte comme le nôtre ou les persécutions contre l’Eglise empruntent des voies détournées, subreptices, où se trouve la « gloire » ? On peut dire que la « gloire » est présente chaque fois qu’un chrétien, demandant l’aide de l’Esprit Saint, renonce à céder aux sollicitations faciles d’une société immorale. Pour les jeunes, assaillis de tentations commerciales, cela est particulièrement difficile ; c’est une lutte de chaque instant pour laquelle l’assistance de l’Esprit de Dieu, qu’ils ont reçu à leur confirmation, n’est pas vaine. Pour les adultes, parfois tentés par le désespoir, et le découragement, la « gloire » est surtout une force de prière et d’espérance qui leur fait voir que Dieu ne renonce pas à nous donner un bonheur.
Dans l’ancien Testament la « gloire », c’était la présence de Dieu dans le Temple de Jérusalem. Cette gloire était insaisissable, diaphane, immatérielle, invisible. Dans le nouveau Testament, la « gloire » c’est l’Esprit Saint qui est présent dans le sacrifice de Jésus sur la Croix. Le corps de Jésus devient ainsi le Temple nouveau, le lieu du vrai sacrifice. Dans le temps des martyrs, la « gloire » c’est l’Esprit Saint qui donne le courage et la persévérance. Dans notre monde déboussolé, la « gloire » c’est l’Esprit Saint qui assiste ceux qui luttent pour l’évangile contre le désespoir, contre la solitude, contre la pauvreté, contre la permissivité, contre tout ce qui trompe et déçoit. Vous voyez qu’il s’agit, dans tous les cas, d’une « gloire » bien paradoxale : c’est une gloire exigeante et austère ; c’est une gloire qui s’oppose au prestige du monde et au cortège de ses fausses réussites ; c’est une gloire qui est le secret de ceux qui souffrent pour la justice et la vérité. Jésus a reçu cette « gloire » du Père et il nous a aimés jusqu’à la Croix. Jésus a donné cette « gloire » à son Eglise comme une grâce ultime et redoutable. Ayons le courage d’accueillir la « gloire » de Dieu. 

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