vendredi 3 juillet 2015

14e dimanche - année B


Dans l’évangile, il y a deux choses qui étonnent Jésus : la foi de quelques centurions romains qui demandent un miracle (Lc 7, 9), et la défiance des membres de sa famille et de ses proches qui l’empêche d’accomplir des guérisons (Mc 6, 6). Et Jésus en déduit cette loi spirituelle : « Un prophète n’est déshonoré que dans son pays, sa parenté et sa propre maison » (Mc 6, 4). Et Jésus, curieusement, ne se révolte pas contre cette opposition qu’il rencontre ; il ne condamne pas ceux qui le refusent, il fait quelques guérisons en passant, et il s’en va. Jésus voulait sans doute faire plus de bien à ses proches, à ces gens qu’il connaissait et qu’il aimait. Mais en constatant que cela n’est pas possible, en voyant qu’ils ne sont pas capables de recevoir de lui le témoignage de la bonté de Dieu, Jésus n’insiste pas, il ne reproche rien. Simplement, il part, il va plus loin. Cette loi selon laquelle un prophète n’est pas fait pour les siens est donc comme approuvée par Jésus : aucun prophète n’a pour mission de convertir les gens de sa famille.
Ceci est particulièrement important pour vous tous, baptisés, qui avez une mission prophétique. Le jour de votre baptême, le prêtre vous a dit en effet : « Désormais tu es membre du corps du Christ et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi ». Par cette prière, l’Eglise confie à tous les baptisés un rôle de témoignage, d’annonce ; nous n’avons pas besoin de chrétiens honteux d’être chrétiens. Au contraire, avec courage, un chrétien peut – et il doit – faire tout ce qui lui semble possible pour annoncer un peu de cet évangile par lequel tous les hommes doivent être sauvés. Mais voilà, un chrétien, un prophète, possède aussi une famille. En ces moments de vacances, en cette période estivale, vous allez sans doute revoir vos familles. C’est l’occasion de retrouvailles, de rencontres, de fêtes ; et vous voilà donc, prophète, au milieu de ceux qui vous sont les plus proches, pour lesquelles vous avez une affection familiale authentique.
Ce que l’évangile d’aujourd’hui nous suggère, c’est que vous, chrétiens et prophètes, vous ne soyez pas pour les vôtres des prophètes. Imaginez que (disons) votre neveu vienne vous trouver pour vous dire : « Je suis prophète, et au nom de Dieu je vous annonce que votre vie est intolérable et que vous êtes dans le péché jusqu’au cou ; je vois déjà les flammes de l’enfer venir s’emparer de votre âme si vous ne vous convertissez pas ! ». Que penseriez-vous d’une telle déclaration de votre prophète de neveu ? A juste titre, vous penseriez que c’est un insolent, un redresseur de torts, un reproche vivant qui ferait mieux de se taire, de commencer par se convertir lui-même et de vous laisser en paix. Ce que ce prophète impertinent et maladroit vous aura dit pourrait d’ailleurs être le plus exact du monde, mais il n’avait pas, lui, à vous le dire. Il y a des vérités qu’il faut laisser à d’autres le soin de proclamer.
Si Jésus lui-même, qui était irréprochable, a été délicat au point de ne pas heurter les siens par un discours prophétique (qui aurait été parfaitement juste et mérité), combien plus nous, baptisés, prophètes pécheurs, pleins de mesquineries et de lâchetés, devons-nous nous taire lorsque nous sommes tentés de faire la leçon aux gens de notre famille.
Mais alors que faut-il faire ? Car lorsqu’on voit dans sa famille des rancunes inutiles, des méchancetés gratuites, des haines sans raison, des injustices blessantes, que peut-on faire, si on n’a pas le droit de les dénoncer ? La réponse est inconfortable : si on veut suivre l’attitude de Jésus, il faut faire un peu de bien là où l’on peut et ne pas insister. Se taire, mais prodiguer ici ou là de petites attentions qui seront autant de signes discrets qui apporteront un petit soulagement, un apaisement passager. On aurait aimé faire plus : en dénonçant publiquement les torts de tout le monde on s’imagine qu’on aurait résolu tous les problèmes, reconstruit une famille où tout le monde s’aimerait désormais dans la paix et la bonne entente ! Pourquoi se contenter de rendre seulement des petits services ? Mais non ; accuser tout haut n’aurait servi à rien, sinon à aggraver les inimitiés ; la paix familiale ne sort jamais d’un règlement de compte. Aider en secret est peu de chose, mais c’est un peu de bien – et c’est cela qui compte. Au moment des rencontres familiales, priez aussi, pour vous et pour ceux que vous allez retrouver. Vous connaissez tous leurs défauts et ils connaissent tous les vôtres ; vous leur en voulez peut-être et ils vous en veulent parfois. Une petite minute de prière sera incapable de clore tous les conflits, mais vous aidera à passer ensemble ce moment familial dans une entente, fragile peut-être, mais bien réconfortante. Chrétiens, baptisés, prophètes, avec les vôtres, ne soyez pas prophètes ; ils n’ont pas besoin de vos oracles. Mais priez pour vos familles, c’est cela qui pourra apporter un peu de paix.


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