vendredi 5 décembre 2014

2ème dimanche de l'Avent - année B



Le livre d’Isaïe proclame un message bien singulier de la part du Seigneur : « Consolez, consolez mon peuple » (Is 40, 1). A l’époque du prophète, comme aujourd’hui, le monde était à feu et à sang et, dans ces conditions, c’est plutôt la violence que nous avons l’habitude de voir ; ce sont les crimes qui attirent aujourd’hui les médias du monde entier, afin que le monde entier voie en direct la mort, le deuil et le carnage. Pourtant, si nos yeux sont habitués à la violence, il nous faut apprendre à voir que, pour nous, chrétiens, il n’y a pas que la violence. Saint Augustin proposait de résumer ainsi l’histoire du christianisme : « l’Eglise poursuit son pèlerinage entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu »[1]. C’est-à-dire que tout homme, chrétien ou non, est confronté à la dureté du monde, aux injustices, aux malheurs, aux guerres ; mais le chrétien, lui, possède un second regard, qui lui montre non plus ce qui vient du monde, mais ce qui vient de Dieu. Et il découvre alors qu’une consolation est possible ; bien plus : qu’une consolation est à l’œuvre. L’Eglise est le lieu où la consolation de Dieu vient rejoindre les hommes, quand bien même ceux-ci seraient affligés par la violence du monde.
Il faut remarquer encore une autre chose singulière. Dieu ne dit pas simplement : « je console mon peuple », comme si la consolation tombait du ciel. Dieu dit à son peuple, à des hommes de son peuple : « consolez ». C’est un ordre, un commandement. Car, si l’Eglise est le lieu de la consolation, c’est, bien sûr, parce que nous recevons de Dieu la grâce de la consolation. Mais toute grâce a son commandement, de même que tout commandement possède sa grâce. Ainsi, au moment même où Dieu nous console, il nous dit encore : « consolez ». Parce que Dieu qui nous donne tout, ne veut pas nous donner sans notre concours. Aussi, nous sommes, dans l’Eglise, responsables de la consolation que nous nous apportons mutuellement. Saint Paul fait écho à ce texte d’Isaïe, lorsqu’il formule cette louange :

Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ,
le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation,
qui nous console dans toute notre tribulation,
afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu,
nous puissions consoler les autres
en quelque tribulation que ce soit (2Co 1, 3-4).

Dieu console les uns, pour qu’ils consolent les autres. Si chacun prend à cœur de consoler ceux qui sont l’affliction, alors la consolation qui vient de Dieu porte tous ses fruits dans une charité qui va vers les autres ; la consolation devient contagieuse. Ainsi, à chacun d’entre nous, Dieu demande d’aller consoler son frère, ses proches, les gens de sa famille. Et en consolant les autres, on se console déjà soi-même. Les épreuves sont si fréquentes : le chômage, la maladie, la dépression… tout cela vient du monde, et nous fait du mal. Si nous ne faisons rien pour aider ceux qui souffrent de cela, alors la consolation reste une idée pieuse, un peu utopique, généreuse, mais vide. Au contraire, si nous choisissons de consoler quelqu’un qui a perdu son travail, quelqu’un qui est inquiet pour l’avenir, quelqu’un qui est déprimé, alors c’est Dieu qui, par nous, console son peuple. Nous serons ainsi les ministres de la consolation de Dieu – quelle exigence, mais quelle grâce aussi.
Evidemment, toutes les misères du monde nous dépassent, et il ne nous est pas demandé de sauver la terre entière. Cela le Christ l’a fait, une fois pour toutes. Il nous faut simplement faire ce qui est à notre mesure, selon nos forces, mais aussi de toutes nos forces. Et nous découvrirons alors que c’est en consolant que nous sommes consolés ; c’est en ayant le souci désintéressé du bonheur des autres que nous trouvons pour nous-mêmes la vraie joie.
François d’Assise, dont toute la vie fut de suivre le Christ dans la pauvreté de son Incarnation, celui à qui nous devons la dévotion à la crèche, a résumé ce message de consolation dans une prière célèbre qu’on ne récite jamais en vain. Faisons nôtre ce texte de lumière et de paix :

« Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.

O Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie »[2].




[1] Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 51 ; cité par le Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n° 8.

1 commentaire:

  1. Illustration:
    http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Giotto,_adorazione_dei_magi,_1320_ca._01.JPG

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