Le livre d’Isaïe
proclame un message bien singulier de la part du Seigneur :
« Consolez, consolez mon peuple » (Is 40, 1). A l’époque du
prophète, comme aujourd’hui, le monde était à feu et à sang et, dans ces
conditions, c’est plutôt la violence que nous avons l’habitude de voir ;
ce sont les crimes qui attirent aujourd’hui les médias du monde entier, afin
que le monde entier voie en direct la mort, le deuil et le carnage. Pourtant,
si nos yeux sont habitués à la violence, il nous faut apprendre à voir que,
pour nous, chrétiens, il n’y a pas que la violence. Saint Augustin proposait de
résumer ainsi l’histoire du christianisme : « l’Eglise poursuit son
pèlerinage entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu »[1].
C’est-à-dire que tout homme, chrétien ou non, est confronté à la dureté du
monde, aux injustices, aux malheurs, aux guerres ; mais le chrétien, lui,
possède un second regard, qui lui montre non plus ce qui vient du monde, mais
ce qui vient de Dieu. Et il découvre alors qu’une consolation est
possible ; bien plus : qu’une consolation est à l’œuvre. L’Eglise est
le lieu où la consolation de Dieu vient rejoindre les hommes, quand bien même
ceux-ci seraient affligés par la violence du monde.
Il faut remarquer encore
une autre chose singulière. Dieu ne dit pas simplement : « je console
mon peuple », comme si la consolation tombait du ciel. Dieu dit à son
peuple, à des hommes de son peuple : « consolez ». C’est un
ordre, un commandement. Car, si l’Eglise est le lieu de la consolation, c’est,
bien sûr, parce que nous recevons de Dieu la grâce de la consolation. Mais
toute grâce a son commandement, de même que tout commandement possède sa grâce.
Ainsi, au moment même où Dieu nous console, il nous dit encore :
« consolez ». Parce que Dieu qui nous donne tout, ne veut pas nous
donner sans notre concours. Aussi, nous sommes, dans l’Eglise, responsables de
la consolation que nous nous apportons mutuellement. Saint Paul fait écho à ce
texte d’Isaïe, lorsqu’il formule cette louange :
Béni soit le Dieu et
Père de notre Seigneur Jésus Christ,
le Père des
miséricordes et le Dieu de toute consolation,
qui nous console dans
toute notre tribulation,
afin que, par la
consolation que nous-mêmes recevons de Dieu,
nous puissions consoler
les autres
en quelque tribulation
que ce soit (2Co 1, 3-4).
Dieu console les uns,
pour qu’ils consolent les autres. Si chacun prend à cœur de consoler ceux qui
sont l’affliction, alors la consolation qui vient de Dieu porte tous ses fruits
dans une charité qui va vers les autres ; la consolation devient
contagieuse. Ainsi, à chacun d’entre nous, Dieu demande d’aller consoler son
frère, ses proches, les gens de sa famille. Et en consolant les autres, on se
console déjà soi-même. Les épreuves sont si fréquentes : le chômage, la
maladie, la dépression… tout cela vient du monde, et nous fait du mal. Si nous
ne faisons rien pour aider ceux qui souffrent de cela, alors la consolation
reste une idée pieuse, un peu utopique, généreuse, mais vide. Au contraire, si
nous choisissons de consoler quelqu’un qui a perdu son travail, quelqu’un qui
est inquiet pour l’avenir, quelqu’un qui est déprimé, alors c’est Dieu qui, par
nous, console son peuple. Nous serons ainsi les ministres de la consolation de
Dieu – quelle exigence, mais quelle grâce aussi.
Evidemment,
toutes les misères du monde nous dépassent, et il ne nous est pas demandé de
sauver la terre entière. Cela le Christ l’a fait, une fois pour toutes. Il nous
faut simplement faire ce qui est à notre mesure, selon nos forces, mais aussi
de toutes nos forces. Et nous découvrirons alors que c’est en consolant que
nous sommes consolés ; c’est en ayant le souci désintéressé du bonheur des
autres que nous trouvons pour nous-mêmes la vraie joie.
François d’Assise, dont
toute la vie fut de suivre le Christ dans la pauvreté de son Incarnation, celui
à qui nous devons la dévotion à la crèche, a résumé ce message de consolation
dans une prière célèbre qu’on ne récite jamais en vain. Faisons nôtre ce texte
de lumière et de paix :
« Seigneur, fais de moi
un instrument de ta paix,
Là où est la haine, que
je mette l’amour.
Là où est l’offense,
que je mette le pardon.
Là où est la discorde,
que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que
je mette la vérité.
Là où est le doute, que
je mette la foi.
Là où est le désespoir,
que je mette l’espérance.
Là où sont les
ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse,
que je mette la joie.
O
Seigneur, que je ne cherche pas tant à
être
consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à
comprendre,
à être aimé qu’à aimer.
Car c’est en se donnant
qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant
qu’on se retrouve,
c’est en pardonnant
qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on
ressuscite à l’éternelle vie »[2].
[1] Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 51 ; cité par le Concile
Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium, n° 8.
Illustration:
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