samedi 14 décembre 2013

3ème dimanche de l'Avent - année A

Jean Baptiste pose une question un peu étrange, qui doit être bien comprise : « es-tu celui qui doit venir ou devons en attendre un autre ? » (Mt 11, 3). Certains pensent que cette question trahirait un doute de la part du Baptiste : le pauvre homme aurait annoncé le royaume de Dieu, reconnu le Christ et, dans sa prison, à la veille de mourir, il serait pris d’une sorte d’hésitation, se demandant s’il ne se serait pas trompé depuis le début. Une telle lecture est absurde, et ne mérite pas de retenir notre attention. Un tel doute ne correspond ni au caractère de Jean Baptiste, ni à la vérité de l’évangile. Il nous faut mieux lire.
D’une manière plus profonde, on doit tenir compte du contexte très particulier de cette demande de Jean Baptiste : il est en prison. Jean saint très bien qu’il ne sortira pas vivant de cet emprisonnement. Il a pris trop de risques, sa prédication était trop forte, et ses adversaires sont trop nombreux. Le roi Hérode lui-même vouait une certaine admiration craintive à l’enseignement du Baptiste (Mc 6, 20), mais ce roi craint plus encore les Romains, il craint les notables, il craint la foule. Il se méfie de tout ce qui pourrait causer de l’agitation ; et Jean est un fauteur de troubles dans le peuple. Jean sait quel serait le salaire de son audace de prophète ; il a bien compris qu’il sera exécuté ; il sait qu’il va mourir.
Et Jean, qui a pleinement reconnu le Christ, qui sait que Jésus est le Fils de Dieu, se pose une seule vraie question pour laquelle il hésite encore : il se demande si la mission qui lui a été confiée d’annoncer la venue du Messie est une mission seulement terrestre, qui concerne notre monde, ou bien si Jésus sera tué lui aussi, et s’il convient que lui, Jean, aille également préparer sa venue dans le monde des morts. Avant de partir, Jean demande à Jésus : « ma naissance a annoncé ta naissance ; ma prédication a préparé ta prédication ; est-ce que ma mort, qui est maintenant certaine, annonce aussi ta mort ? » Autrement dit, Jean fait l’expérience de la violence, de la persécution ; son message a été contesté, comme le message de tous les prophètes avant lui. Il se demande maintenant si le Christ lui-même sera victime de cette même persécution, ou bien si, par une plus grande persuasion, ou par une manifestation de sa toute-puissance, il échappera à la mort violente. Jean, vous le voyez, n’est pas inquiet pour lui-même ; il va mourir, et il est serein devant la mort. La question qu’il se pose concerne le Christ : Jésus va-t-il rejoindre Jean dans la mort ?
La réponse à cette question n’est que trop évidente : Jésus va être confronté à la persécution et à la violence, il va mourir à cause de la méchanceté des hommes. Mais, pourtant, ce n’est pas cela que Jésus répond. Il ne dit pas : « je vais mourir moi aussi injustement, et tu peux préparer mon arrivée dans le monde des morts ». Il dit : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent » (Mt 11, 5). En clair, il dit : « Ce n’est pas tant ma mort que tu dois aller annoncer dans le monde des morts ; c’est ma résurrection que tu dois prophétiser là-bas. Car c’est peu de chose que je meure dans la violence et l’injustice, comme toi tu meurs dans la violence et l’injustice. Ce qui est le plus important c’est que, dans la mort, va alors advenir un surgissement de vie. Tous ceux qui sont dans la mort sont plongés dans les ténèbres, ils sont aveugles, muets et sourds. Et moi aussi je vais mourir, non pas pour faire un mort de plus, mais pour être, parmi les morts le premier ressuscité, pour être celui qui vais montrer à tous ces aveugles une lumière nouvelle ».

Quelle est donc la grandeur spirituelle de ce dialogue entre Jean et Jésus ! Il n’y a pas de doute, de crainte. Il y a deux hommes face à la mort ; il y a Jean qui sait qu’il va mourir et qui comprend que sa mission d’annoncer le Christ n’est peut-être pas terminée ; et puis il y a Jésus qui sait qu’il va mourir et qui comprend que sa mission est de ressusciter. Ainsi, Jean est celui qui a annoncé aux hommes de ce monde la venue du Seigneur ; il est celui qui a prophétisé au monde des morts la résurrection définitive et le bonheur de la vie éternelle. Jésus est celui qui a guéri les aveugles, qui a fait jaillir la lumière dans le monde des ténèbres ; il est celui qui a fait surgir la vie dans un monde de désespoir et de mort, qui a introduit les défunts dans la vision de Dieu. Il nous faut sans cesse prendre conscience de cette vitalité inouïe du message chrétien. L’évangile et un évangile de la vie, et c’est de cette vie nouvelle et éternelle que nous pouvons témoigner, jusque chez les morts ! 

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