jeudi 8 septembre 2016

24e dimanche du temps ordinaire - année C


En 931 av. J.C., à la mort de Salomon (fils de David), se produit un événement douloureux. Les Juifs du nord (Israël) et ceux du sud (Juda) ne parviennent pas à s’entendre. Au cours d’une réunion houleuse, tenue à Sichem (Naplouse), le royaume se disloque, de sépare en deux pays. Tandis que Roboam, héritier de la lignée davidique, règne au sud sur la tribu de Juda, les tribus du nord se désolidarisent de la politique fiscale et religieuse contraignante de Jérusalem et proclament leur autonomie sous l’étendard du roi Jéroboam. 

Au lieu du culte du Seigneur, culte immatériel, sans représentation, pratiqué dans le Temple de Jérusalem, le roi d’Israël, libéré de Juda, doit organiser de nouveaux sanctuaires. En effet, si le royaume du nord avait continué dans la religion de David, si les fidèles d’Israël avaient dû se rendre à Jérusalem (dans le royaume de Juda) pour offrir des sacrifices à leur Dieu, l’indépendance aurait été mise en péril. Il fallait que l’autonomie politique et fiscale soit aussi une autonomie cultuelle – car à l’époque il n’y a pas de distinction, tout est lié. C’est pour cela que Jéroboam va édifier des temples concurrents du sanctuaire unique, et les garnir de statues chargées de représenter la force de Dieu en même temps que sa richesse princière: des taureaux en or. 

Cette idée de représenter un jeune veau ne doit pas être interprétée trop défavorablement. Tous les peuples de l’ancien Orient utilisaient des images semblables pour illustrer la force vitale, la puissance de leurs dieux. Le musée du Louvre conserve une statue particulièrement émouvante d’une de ces sortes d’idoles (1). Les hommes religieux savaient que ces représentations de jeunes veaux n’était qu’une image (ils n’étaient pas stupides au point d’adorer un vrai ruminant! et nous serions nous-mêmes bien bêtes de croire cela). Mais, en hommes de la terre, en agriculteurs, ils trouvaient que la jeune vigueur d’un petit taureau exprimait bien le culte qu’ils voulaient rendre à une nature farouche, imprévisible et puissante. 

Tout cela nous est raconté dans les livres historiques de l’ancien Testament.

Jéroboam se dit en lui-même : «Si le peuple continue de monter au Temple du Seigneur à Jérusalem pour offrir des sacrifices, le cœur du peuple reviendra à son chef, Roboam, roi de Juda, et on me tuera». Après avoir délibéré, [Jéroboam] fit deux veaux d’or et dit au peuple: «Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem! Israël, voici tes dieux qui t’ont fait monter du pays d’Égypte». Il dressa l’un à Béthel et il mit l’autre à Dan (1R 12, 26…29). 

On comprendra que les responsables religieux du sud, les prêtres du temple de Jérusalem ont été furieux de voir que les Juifs du nord ne venaient plus. Ils perdaient des ressources économiques (les pèlerinages, les sacrifices, les impôts du sanctuaire) et ils perdaient en influence (le monothéisme risquait d’être contesté). Aussi, c’est probablement dans ce contexte qu’ils se sont souvenus de cette vieille histoire rapportée à propos de la sortie d’Egypte. Déjà, alors que le peuple avait été vaillamment libéré par Moïse et par le Seigneur, une tentation d’idolâtrie, une péripétie d’infidélité avait causé un grand tort au peuple. C’est ce que nous avons entendu en première lecture (Ex32,7-11; 13-14). On comprend que le Seigneur soit en colère contre un peuple qu’il sauve et qui le trahit dans l’instant d’après: ils n’ont pas mis longtemps à se détourner du Dieu qui leur avait montré dans de puissance et de bonté! Nous assistons à cet emportement du Seigneur, exaspéré par la conduite des Hébreux. Un Dieu qui se fâche, cela nous semblera un peu étrange… mais le Dieu de la Bible se fâche, pour mieux montrer ensuite la grandeur de sa miséricorde. 

En effet, il faut bien lire le texte. Ce qui nous est décrit en détail du mécontentement du Seigneur, dans une bourrasque courroucée, est le plus impressionnant, mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est cette petite phrase qui vient ensuite: «Le Seigneur renonça au mal» (Ex32,14). Dans la Bible, lorsqu’une phrase a comme sujet «Dieu» et comme complément «le mal», le verbe au milieu est toujours «renoncer» (2S24,16 = 1Ch21,15; Jr26,3-19; 42,10; Am7,3-6; Jon3,9-10; 4,2; cf. Dt10,10). En revanche, «le Seigneur ne renonce jamais à sa miséricorde» (Sir47,22). 

Cette conclusion est vraiment étonnante. Que pourrait faire le Seigneur contre des idolâtres? C’est bien en toute justice qu’il devrait déchaîner contre eux une punition bien méritée. Mais non! Si l’homme est capable du mal, le mal est pour Dieu ce à quoi il ne sait que «renoncer»

C’est pourquoi, dans la Bible, toutes les histoires se concluent toujours à la faveur des pécheurs (et l’évangile, Lc 15, en donne encore une illustration). En cette année jubilaire, ce message paradoxal retentit avec une force nouvelle pour que personne ne se laisse décourager par sa faute, mais que tous aient l’audace du repentir en accueillant le pardon d’un Dieu qui ne pense que du bien pour nous. 

(1) http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=21478




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