vendredi 23 octobre 2015

30e dimanche - année B


La lecture de l’épître aux Hébreux (5, 1-6) est l’occasion de parler de ce qu’est le sacerdoce. Je crains en effet que l’une des causes principales de ce qu’on appelle la « crise » de l’Eglise ne vienne de ce qu’on a oublié ce qu’est un prêtre. Tous, vous connaissez des prêtres et vous seriez capables de décrire leur caractère, leurs préoccupations, leur spiritualité peut-être. Mais sauriez-vous répondre à la question : « qu’est-ce qu’un prêtre ? ». Ce n’est pas sûr. Aussi, je vous propose de reprendre quelques mots entendus dans la 2e lecture.
Le prêtre est tout d’abord « pris parmi les hommes » (He 5, 1). Cela semble une banalité, et pourtant il faut bien comprendre. Le prêtre est un homme, il possède la nature humaine. Des théologiens, au Moyen Âge, se demandaient avec humour si un ange pouvait être prêtre, et la réponse est évidemment négative. C’est dire qu’il y a une solidarité naturelle entre le prêtre et tous les hommes (de même qu’il y a une solidarité naturelle entre le Christ et tous les hommes). Mais le prêtre n’est pas seulement un homme, il est « pris parmi les hommes », c’est-à-dire que, tout en restant solidaire du reste de l’humanité, il s’en dégage néanmoins d’une certaine façon. Il est évident qu’un prêtre ne vit pas comme tout le monde : il n’a pas de métier, il n’a pas de famille, il n’a pas de fortune. Le prêtre est donc mis à part pour être totalement consacré, exclusivement dévoué au service de l’Eglise.
« Il doit offrir des sacrifices » : telle est la définition même du sacerdoce. Être prêtre, dans toutes les religions, dans le paganisme, dans le Judaïsme, dans le christianisme, cela veut dire : offrir un sacrifice[1]. Dans le culte de l’ancien Testament, les sacrifices que les prêtres offraient étaient des agneaux et des veaux, immolés dans le temple de Jérusalem. Vous savez que dans le temps de l’Eglise, ce culte trop matériel a été aboli, pour laisser place à une adoration plus spirituelle. Le sacrifice que les prêtres offrent aujourd’hui, c’est l’Eucharistie, c’est la Messe. Mais il faut bien comprendre : le prêtre étant un homme, il offre l’Eucharistie avec tous les hommes. Et qu’est-ce que l’Eucharistie ? C’est le corps du Christ livré pour nous ; c’est le sang du Christ versé pour nous. L’Eucharistie, c’est le sacrifice du Christ qui s’offre lui-même en notre faveur. Si donc le Christ s’est offert lui-même, et si les prêtres offrent le sacrifice du Christ, cela veut dire que, dans l’Eglise, le prêtre offre le sacrifice que chacun fait de soi-même, de telle sorte que le sacrifice de soi (tel est le sacrifice du Christ) soit vécu, intériorisé, célébré par chaque fidèle. Quand le prêtre est à l’autel, il n’est pas seul à offrir, il n’est pas seul à s’offrir ; c’est le Christ tout entier qui s’offre, c’est-à-dire c’est l’Eglise qui s’offre comme communauté, et c’est chaque membre qui s’offre personnellement.
Encore une chose : l’épître aux Hébreux ajoute que le prêtre « est rempli de faiblesse » (He 5, 2). Cela est vrai, vous le savez. Vous connaissez des prêtres et vous connaissez tous leurs défauts : tel prêtre est trop sévère, un autre est trop laxiste, un autre est trop triste. Je sais bien que tous ces jugements sont vrais. Les prêtres sont pleins d’imperfections. Jésus, pourtant, en devenant un homme, a assumé cette faiblesse de la condition humaine. Bien sûr, Jésus, qui a été tenté, n’a jamais commis le péché alors que les prêtres, malheureusement, sont pécheurs. Mais Jésus ne voulait surtout pas que les prêtres soient tout-puissants, car lui-même a renoncé à manifester sa toute-puissance lorsqu’il partageait notre humanité. Il n’y a pas lieu, alors, de se lamenter sur les lacunes des prêtres. L’auteur de l’épître y voit plutôt une chance : le prêtre « est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement » (He 5, 2). Si tous les prêtres étaient des saints, perchés dans une perfection inaccessible, s’ils étaient des reproches vivants par leur conduite exemplaire, qui pourrait être sauvé ? Je veux dire : qui oserait avoir recours à eux pour être pardonné de ses péchés ? Jésus a caché sa divinité tandis qu’il était parmi nous pour que les hommes ne craignent pas de lui exposer leurs souffrances et leurs faiblesses. Aujourd’hui, la divine miséricorde de Jésus se cache sous les imperfections des prêtres pour que chaque homme trouve dans le prêtre un frère qui peine, comme lui, sur le chemin d’une vie meilleure, plus sainte, plus libre et plus heureuse. Le prêtre ne saurait condamner personne, sachant très bien qu’il tomberait lui-même sous le coup du jugement qu’il prononce contre un autre. N’ayez donc pas peur de parler en vérité à un prêtre : il n’est pas un surhomme qui vous condamnera de la hauteur de ses mérites ; il est un pauvre homme qui saura comprendre vos douleurs, qui saura vous encourager.
Un homme mis à part, mais solidaire de tous ; un homme qui, dans le sacrifice du Christ, permet à chacun d’offrir sa vie ; un homme marqué par la faiblesse humaine, un frère qui marche avec l’Eglise vers le bonheur que Dieu promet : voilà ce qu’est un prêtre.




[1] La belle définition donnée par le Concile de Trente reste valable : « Sacrifice et sacerdoce ont été si unis par une disposition de Dieu que l’un et l’autre ont existé en toute loi » (Décret sur le sacrement de l’Ordre, 15 juillet 1563). 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.