A
qui pouvons-nous obéir pour être libres ? N’ayons pas d’illusion :
n’obéir à personne constituerait sans aucun doute le pire des esclavage et – si
tant est que ce soit possible – cela ne conviendrait pas à l’homme, et
nullement au chrétien. Les formules du style : “ni Dieu ni maître” n’ont
jamais libéré qui que ce soit et n’ont conduit personne au bonheur véritable.
Nous avons besoin de Dieu, nous avons besoin d’un maître. De manière plus
constructive, nous pouvons exercer notre liberté fondamentale pour choisir à
qui nous voulons obéir. Et ainsi, notre vie est orientée dans une direction ou
une autre, selon ce que nous avons choisi librement. Saint Paul illustre deux
directions possibles et opposées concernant le choix que nous pouvons
faire : voulons-nous obéir à la chair ? ou bien voulons-nous obéir à
l’Esprit ? (cf. Ga 5, 16) Voyons
donc où chacun nous mène.
Obéir à la chair, cela
revient à faire de soi-même, de son corps, de ses conditionnements biologiques
et sociologiques une norme de nos actions. Réduire l’homme à n’être qu’un
animal un peu plus développé, sans remarquer qu’il a une conscience ;
penser que nous avons un destin devant lequel nous ne pouvons pas
décider ; croire que la morale ne serait qu’une expression de la
biologie ; se résigner à vivre dans un monde où il faut se conformer, en
paroles et en actes, à l’opinion du plus grand nombre. Evidemment, alors :
à quoi bon lutter ? à quoi bon se battre pour élever le niveau ? à
quoi cela sert-il de défendre des convictions ? Avec de tels principes, il
est sans doute facile de vivre, mais il est impossible
de vivre heureux. Il faut prendre le temps de bien lire ces listes
étonnantes dans lesquelles saint Paul décrit la finalité des œuvres de la
chair : « débauche, impureté, obscénité, idolâtrie, sorcellerie,
haines, querelles, jalousie, colère, envie, divisions, sectarisme, rivalités,
beuveries, gloutonnerie et autres choses du même genre »
(Ga 5, 19-21). Aujourd’hui on dirait : « pornographie,
alcoolisme, drogue et délinquance ». Cette accumulation de termes peu
plaisants et peu complaisants nous submerge peut-être. C’est sans doute ce que
saint Paul a voulu, pour bien montrer le dégoût, la nausée qui est le résultat
de l’obéissance à la chair.
Nous pouvons au contraire obéir à l’Esprit. Qu’est-ce à
dire ? Depuis notre confirmation, nous avons reçu l’Esprit de Dieu afin
que nos actes soient désormais guidés et soutenus par une force nouvelle. Cet
Esprit Saint nous montre sans cesse la lumière de la vérité et, dans notre
conscience, nous permet de comparer les règles de nos actions à la parole de
Dieu. Lorsque je suis placé devant un choix, je peux consulter l’Esprit Saint
et, éclairé par lui, il m’est possible et facile de décider une action juste,
vraie, une action sainte. Ce n’est pas que cette action soit, en elle-même,
toujours aisée ; parfois cela demande un sacrifice, un effort, parfois
cela coûte. Mais, si l’action reste difficile à accomplir, elle est aisée à
décider.
Comprenez bien qu’il ne s’agit pas, pour obéir à l’Esprit,
d’obéir à une autorité extérieure à nous-mêmes. Personne n’obéit jamais à une
autorité extérieure. Obéir à l’Esprit, cela veut dire exactement : laisser sa conscience être éclairée par
l’Esprit Saint et ensuite obéir à sa conscience. Nous n’obéissons pas à
Dieu de telle sorte que Dieu nous contraindrait de l’extérieur. Nous obéissons
à Dieu de telle sorte que Dieu nous montre, dans le sanctuaire de notre
conscience où est la vraie liberté ; et alors, en conscience, nous pouvons
obéir
à la liberté. Notre conscience est plus intime à nous-mêmes que notre
chair. Obéir à la chair reste donc une obéissance plus extérieure, plus
superficielle, que d’obéir à sa conscience, que d’obéir à l’Esprit.
Prenons le temps encore de lire cette longue liste que donne
saint Paul : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi,
humilité et maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23). Evidemment, la
maîtrise de soi, la bienveillance, l’humilité sont très exigeantes. Cela
demande un travail sur soi-même, un combat contre la facilité de la chair. Mais
alors que la chair ne produit finalement que trouble et désespoir, l’Esprit
nous ouvre à la joie et à la paix. Il ne s’agit pas de faire de publicité
mensongère : obéir à l’Esprit est plus laborieux ; se laisser
conduire par la chair semble plus naturel, plus simple. Mais pour être juste,
il faut dire aussi que le travail de l’Esprit nous guide plus sûrement vers un
bonheur authentique, tandis que les inclinations de la chair, incohérentes et
tyranniques, nous enfoncent rapidement dans des ténèbres effrayantes.
Alors, qui voulons-nous suivre ? Nous sommes placés
devant un choix. Le choix d’un côté ou de l’autre est libre. En revanche il est
nécessaire de faire un choix ; nous ne pouvons
pas ne pas choisir. Saint Paul a voulu nous donner quelques critères de
discernement, quelques repères utiles. Mais saint Paul n’a pas choisi à notre
place : il nous guide, il nous éclaire, mais c’est à chacun de nous qu’il
revient de décider qui sera notre maître.
Et pourtant, si nous sommes chrétiens, nous savons bien que nous ne sommes pas
seuls devant ce choix. Nous sommes soutenus par la foi des autres croyants,
nous nous soutenons mutuellement dans la prière. Ayons assez de courage pour
nous laisser guider par l’Esprit Saint, pour nous tourner vers le vrai bonheur ;
nous ne serons pas déçus.
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