vendredi 11 juillet 2014

15e dimanche - année A

Puisque le prophète Isaïe (55, 10-11) nous le suggère, parlons de pluie et de neige. Nous savons tous que la pluie et la neige viennent du ciel et tombent sur la terre. Cette évidence est pour le prophète l’occasion d’une admirable comparaison : la parole de Dieu elle aussi vient du ciel et descend sur la terre. De cela Isaïe possède une expérience intime dans son ministère prophétique. Quand un prophète parle, en effet, il ne dit pas ce qui vient de lui-même ; il dit ce qui vient d’en haut, ce qui le dépasse, ce qui le submerge. Le prophète lui-même est surpris par la Parole. Dans le jargon de la météorologie, on dit que la pluie et la neige sont des « précipitations » ; le mot conviendrait bien pour qualifier l’inattendu et l’urgence de la Parole de Dieu que le prophète doit annoncer.
On peut résumer cela en un mot : la pluie qui vient du ciel, la Parole qui vient de Dieu, est la Révélation. Ce que l’homme ne peut pas connaître par les seuls efforts de son intelligence lui est donné gratuitement d’en haut. La Révélation, comme la pluie, est une grâce. Et la Parole, comme la pluie, n’est pas réservée à une élite. Lorsque Jésus remarque que le Père « fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45), il désigne la Parole qui est envoyée à tout homme. Ce n’est pas la bonté de l’homme qui pousse Dieu à se révéler, et c’est pourquoi Dieu parle à tout homme, qu’il soit bon ou mauvais. C’est sa bonté à lui, son amour follement gratuit, qui conduit Dieu à parler à tous les hommes qu’il n’a créés que pour les aimer, que pour qu’ils le connaissent et puissent l’aimer.

Mais le prophète Isaïe connaît aussi le second mouvement du cycle de l’eau : la pluie tombe sur la terre, certes, mais l’eau s’évapore ensuite et retourne au ciel. Comment comprendre cela pour la Parole ? Nous y sommes habitués, et pourtant cela est très étonnant : Dieu a donné sa Parole aux hommes, de telle sorte que les hommes puissent parler à Dieu. Par nous-mêmes, nous sommes démunis pour nous adresser à Dieu ; alors Dieu lui-même nous a, par sa Parole, enseigné à lui parler. Ceci se passe naturellement entre un enfant et ses parents : par lui-même, l’enfant naît sans savoir parler. Il faut qu’on lui parle pour qu’il sache parler ; les parents qui aiment leur enfant lui donnent ainsi les mots par lesquels il pourra ensuite lui-même s’adresser à eux. On ne parle jamais que le langage de ses parents ; entre Dieu et nous, c’est la même chose. Quand je parle à mes parents, j’utilise la langue maternelle que mes parents m’ont apprise ; lorsque je parle à Dieu j’utilise le langage de Dieu, la Parole de Dieu. La prière, c’est cela.
Le Psaume (64) que nous avons prié après la lecture est une Parole de Dieu que nous adressons à Dieu. Le Notre Père – qui est la charte de notre prière chrétienne – vient de Dieu lui aussi. Personne n’oserait dire à Dieu : « Père » si Jésus, Dieu lui-même, ne nous avait révélé ce nom dont nous pouvons l’appeler. Ainsi, la Parole qui est venue du ciel, la Révélation, peut maintenant remonter au ciel comme prière que nous adressons à celui que nous connaissons.

La Parole sort de la bouche de Dieu, descend du ciel et nous révèle le visage du Seigneur ; la Parole de Dieu sort de la bouche de l’homme et remonte au ciel dans une prière fervente. C’est la même Parole, ce sont les mêmes mots, les mêmes vérités qui servent à Dieu pour se révéler et à l’homme pour prier.

Et entre les deux ? La pluie féconde la terre et donne le pain à celui qui mange. Traduisons : la Parole transforme le cœur de l’homme et lui laisse une nourriture. Si cela ne peut s’appliquer à l’Eucharistie, je ne sais pas de quoi on parle. L’Eucharistie est, par excellence, une Parole de Dieu. Qui d’autre en effet pourrait avoir l’autorité de dire sans mentir : « Ceci est mon corps… Ceci est mon sang » ? Mais cette Parole de Dieu devient une parole d’hommes lorsque le prêtre la prononce dans la Prière Eucharistique. Par ces mots, le Christ s’est révélé comme celui qui se donne, corps et sang, à nous. Et cette offrande complète qu’il nous révèle par sa Parole inouïe, c’est à des hommes qu’il confie maintenant de l’accomplir par une prière.
Dieu révèle le don qu’il fait de lui-même par ces quelques mots que nous n’aurions jamais imaginés. Voilà cette Parole qui ne vient pas de nous, qui vient du ciel, qui vient nous révéler le pain descendu du ciel (Jn 6, 51). Et aujourd’hui, Dieu a confié à ses prêtres de prononcer cette Parole au nom de toute l’Eglise. Cette parole, prononcée par Jésus est d’abord révélation eucharistique ; prononcée par les prêtres de l’Eglise, elle devient prière eucharistique ; et, de la révélation à la prière, le Christ nous laisse une nourriture, son corps et son sang qui soutiennent notre foi, l’action de grâce qui nous invite à nous offrir aussi, corps et sang, pour que le Royaume advienne.
« Ainsi, dit le Seigneur, ma Parole qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat » (Is 55, 11).


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