vendredi 9 mai 2014

4ème dimanche de Pâques - année A

Jésus dit cette chose mystérieuse : « Je suis la porte des brebis » (Jn 10, 7). Quelle est cette métaphore étrange ? On voit mal ce que cela signifie tant qu’on n’a pas consulté un plan de Jérusalem. Si on va regarder une carte de la Ville sainte à l’époque du Christ on constate qu’il existait alors une porte des brebis, aussi appelée porte probatique (cf. Jn 5, 2)[1], selon le nom grec.
Cette porte est décrite dans le livre de Néhémie : « Élyashib, le grand prêtre, et ses frères les prêtres se levèrent et construisirent la porte des Brebis ; et ils la consacrèrent » (Ne 3, 1). Il est assez inhabituel de voir qu’une porte soit construite par des prêtres et qu’elle fasse l’objet d’un rite de consécration. Cela se comprend mieux si on voit que cette porte des brebis était un accès vers le temple de Jérusalem, au sanctuaire. Pourquoi s’appelait-elle ‘‘porte des brebis’’ ? La raison la plus plausible est que c’est par cette porte qu’entraient les animaux qui allaient être immolés dans le Temple pour les multiples liturgies et sacrifices quotidiens.
Que veut donc dire Jésus en se comparant à la porte des brebis ? Nous pouvons maintenant mieux comprendre cette image. La porte des brebis est une porte consacrée ; Jésus veut indiquer ainsi que lui-même est sanctifié. Saint Jean dit ailleurs que Jésus est « celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde » (Jn 10, 36). Jésus affirme que son humanité n’est pas, comme la nôtre, plongée dans le péché ; mais qu’elle est, au contraire, une pure ressemblance avec la bonté de Dieu.
La porte des brebis servait à introduire les animaux pour les sacrifices du Temple ; Jésus veut indiquer que passer par lui suppose d’être capable d’offrir sa vie. Il ne s’agit pas de se faire tuer sans comprendre comme ces pauvres agneaux conduits à l’immolation dans le sanctuaire. Il s’agit plutôt d’être librement prêt à donner sa vie. Être chrétien ne dispense pas de s’offrir soi-même ; bien au contraire, suivre le Christ, passer par le Christ – pour garder la métaphore de la porte – cela suppose, cela oblige à faire le don de soi-même pour le service et pour le bonheur de nos proches. Celui qui entre par la porte des brebis a donc choisi de consacrer sa vie sans retour.
Mais Jésus ajoute ceci qui semble incohérent : « Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir » (Jn 10, 9). A-t-on déjà vu une brebis promise au sacrifice et être sauvée ? A-t-on déjà vu une victime ressortir vivante, aller et venir à sa guise après être passée par la porte des brebis ? Non, bien sûr. Le pauvre bétail bêlant qui est entré sans comprendre ressort mort à l’issue du sacrifice ; il n’y avait pas d’autre perspective. Que veut dire Jésus en ajoutant ce détail insolite ? Il veut dire que, pour le chrétien, offrir sa vie n’est pas une œuvre de mort, mais de résurrection. Donner sa vie, en allant même jusqu’à la perdre, cela ne nous conduit pas à la mort, mais à la vie éternelle. Lui, Jésus, est entré et sorti au-delà de son sacrifice : il est entré dans la tombe, et il est sorti de la tombe, libre et vainqueur. Le chemin auquel il nous invite est le même. Si nous passons par lui, si nous acceptons d’entrer pour donner notre vie, nous pourrons sortir, possédant désormais une vie indestructible, une vie éternelle. Voilà ce à quoi Jésus nous appelle : à passer par lui pour donner notre vie, pour consacrer notre existence à faire le bien, pour recevoir de lui la vie éternelle.
Vous voyez combien cette image est précise, concrète, et combien elle devait sembler éloquente pour ceux qui ont écouté Jésus et qui voyaient ces troupeaux entrer dans le Temple en passant par la porte des brebis. On voit à quel point Jésus savait parler et instruire le peuple avec des images familières pleines d’une vraie spiritualité, dont le sens profond est vraiment admirable. Il nous est bon de pouvoir aujourd’hui lire l’évangile en y découvrant des métaphores pleines de vie et d’écouter ainsi la voix même du Christ qui nous enseigne. Car c’est dans notre vie quotidienne qu’il nous rejoint.




[1] Aujourd’hui, cette porte est également appelée Porte Saint Etienne ou Porte des Lions. On trouvera quelques informations et images avec le lien ci-dessous :

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