« Quel mal a-t-il donc fait ? »
(Mt 27, 23). Cette question trop grave pour qu’on ose y répondre vient
comme un écho de la question de Dieu à Israël : « Mon peuple, que
t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je lassé ? Réponds-moi »
(Mi 6, 3). Ainsi nous est révélée, par contraste, la raison (la folie
en fait) du mal : le mal consiste à tuer
celui qui nous donne la vie, à
condamner celui qui pardonne. Avant la croix, on pouvait encore croire
que le mal était une chose de faible importance, que le péché était un petit
désordre humain sans conséquence. Devant la croix, nous ne pouvons plus dire
que nous ne savons pas. Nous voyons maintenant le terme du mal enfin
démasqué : l’exécution d’un innocent, de celui qui « n’a rien fait de
mal » (cf. Lc 23,
41) ; et cela est aussi le meurtre de Dieu.
Qu’a donc fait Jésus pour mériter qu’on le
cloue sur cette Croix ? Est-ce parce qu’il nous a commandé de nous aimer
les uns les autres ? Est-ce parce qu’il a guéri des malades et ressuscité
des morts ? Est-ce parce qu’il nous a montré que Dieu était notre
Père ? Rien de tout cela – qui est source de vie – ne mérite la mort. Et
pourtant, par un enchaînement complexe de petites haines, de trahisons médiocres,
de mesquineries, de lâchetés confortables, sans que personne ne puisse s’en
sentir l’instigateur, cet innocent a été conduit à la mort. Juifs et Romains –
c’est-à-dire le peuple élu et les autres : c’est-à-dire tous les hommes
ensemble – ont décidé et exécuté la sentence impossible par laquelle
celui qui vient sauver est condamné. Bien sûr, personne ne se reconnaît seul responsable, mais chacun pourtant a
sa part dans cette association de malfaiteurs qu’est l’humanité rassemblée au
pied du calvaire ; tout le monde, fût-ce du bout des lèvres, est d’une
certaine façon d’accord avec
cette mort du Christ. Etrange crime qui n’a pas de coupable et dont tous les
hommes sont pourtant complices.
« Quel mal a-t-il donc fait ? ».
Le silence gêné qui ne peut manquer aujourd’hui de suivre cette question
constitue la preuve de notre péché. Dieu ne cherche pourtant pas une preuve qui pourrait nous confondre,
moins encore nous condamner ;
il voudrait bien plutôt un secret aveu
qui pourrait nous sauver.
Aussi, la vraie réponse à cette question pesante passe par un sérieux examen de
soi-même et une sincère confession de nos manquements dans laquelle la
miséricorde du Seigneur pourra changer notre culpabilité sans espoir en joie du
repentir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.