« Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme
missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent
que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir
tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre »[1].
Jésus
dit : « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du
monde » (Mt 5, 13-14). Ce qui frappe le plus dans ces expressions,
c’est sans doute qu’il ne dit pas : « Vous devez être le sel de la
terre… Soyez la lumière du monde… ». Il dit bien : « Vous
êtes ». Ce présent de l’indicatif pourrait nous rassurer, et nous
pourrions nous enorgueillir, en disant : « Nous sommes la lumière du
monde ». Mais c’est plutôt le lieu d’un sérieux examen de conscience :
quelle grâce nous a été donnée, et quelle responsabilité nous incombe.
Par
le baptême que nous avons reçu, peut-être sans le vouloir consciemment si nous
étions enfants, par la foi qui nous a été donnée, et que nous avons fait
grandir en nous au cours de notre éducation chrétienne, par cette foi que nous
proclamons librement, volontairement, en conscience, aujourd’hui, nous sommes
la lumière du monde. Cette lumière ne vient pas de nous ; elle vient de
notre baptême, elle vient de la foi qui nous a été donnée. Le baptême est cette
illumination (Ep 1, 18 ; He 6, 4) de notre intelligence par la
révélation de la vérité qu’est Dieu. Ainsi donc, nous sommes « devenus des
êtres de lumière dans le Seigneur » (Ep 5, 8). Néanmoins, nous sommes
cette lumière parce que toute notre existence a été saisie ; notre
personne même a été épanouie, ouverte, transfigurée par cette grâce que Dieu
nous a faite.
A
une certaine époque, on parlait beaucoup de l’enfouissement, des chrétiens
anonymes, du témoignage discret. Ce n’est pas vraiment cela que Jésus évoque
dans cette page d’évangile. La lumière est sur le lampadaire, pour que tout le
monde la voie. La ville est sur le sommet de la montagne pour être aperçue de
loin. Si nous sommes la lumière du monde, nous ne sommes pas une lumière
cachée, mais une lumière qui rayonne, qui illumine, « qui brille devant
les hommes » (Mt 5, 16). Cela ne veut pas dire qu’il faut témoigner
de notre foi de façon ostentatoire, évangéliser de manière intrusive ;
cela ne nous donne pas la mission de faire la morale à tous nos proches. Une
telle manière de faire serait de l’orgueil ou de la bêtise et ne servirait pas
la cause de l’évangile. Mais le risque aujourd’hui est plutôt celui d’une trop
grande frilosité, d’une réticence à annoncer la parole. En faisant l’état des
lieux des déserts spirituels de notre temps, le Pape François encourage à juste
titre : « Chez tous les
baptisés, du premier au dernier, la force sanctifiante de l’Esprit incite à
évangéliser »[2]. Celui
qui a reçu la lumière de la foi ne peut briller pour lui-même, égoïstement,
dans le confort d’une petite vie pieuse. Le vrai disciple du Christ ne peut
qu’être un « disciple
missionnaire »[3]. Dans
nos choix, dans nos paroles, dans notre attitude, nous avons le devoir de nous
comporter de telle sorte qu’on voie que nous croyons en Dieu qui est lumière
(1Jn 1, 5), de telle sorte qu’on reconnaisse, à travers notre luminosité
relative (si pauvre soit-elle), qu’il existe un Dieu d’amour et de bonté à qui
nous avons raison de faire confiance.
Les premières pages de la Genèse
nous
présentent déjà ce mystère, comme ébauché. L’homme a été créé à la ressemblance
de Dieu (Gn 1, 26). C’est-à-dire que, dès la création, en voyant le visage
de l’homme, on doit pouvoir découvrir la bonté de Dieu. L’histoire se complique
deux pages plus loin, parce que vient le péché, qui a abîmé cette ressemblance.
Comment pourrait-on en effet reconnaître la bonté de Dieu dans le visage d’un
homme dur, violent, injuste, ou égoïste ? Un tel visage humain, défiguré, n’est
plus capable de porter la lumière divine. En comprenant quelle est la situation
de l’humanité, nous comprenons aussi quelle fut la mission du Christ. Ce fut
précisément de restaurer sur le visage de l’homme cette ressemblance. C’est
cela l’œuvre de lumière qu’il a accomplie. Dans le Christ, qui est le Fils du
Père, qui est « l’Image du Dieu invisible » (Col 1, 15), nous
retrouvons cette ressemblance qui fait que lorsqu’il voit le visage d’un chrétien,
tout homme doit savoir que Dieu aime tous les hommes. Le visage d’un chrétien
est la lumière du monde, la joie d’un chrétien est la lumière du monde, la foi
d’un chrétien est la lumière du monde. Voilà quelle est la grâce baptismale que
nous avons reçue ; voilà quelle est la responsabilité baptismale que nous
portons avec toute l’Eglise.
Sachons
être, avec une humble charité, des témoins de la lumière, prêts à écouter, à
réconforter, à encourager ceux qui marchent dans les ténèbres, pour que la
bonté de Dieu rejoigne le cœur de tout homme.
« En cette époque précisément, et aussi là où se trouve
un ‘‘petit troupeau’’ (Lc 12, 32), les disciples du Seigneur sont appelés
à vivre comme une communauté qui soit sel de la terre et lumière du monde (cf. Mt 5,
13-16). Ils sont appelés à témoigner de leur
appartenance évangélisatrice de façon toujours nouvelle »[4].
[1] Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013),
n° 81.
Pour lire
en ligne l’exhortation apostolique du Pape François :
http://www.vatican.va/holy_father/francesco/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium_fr.html
[2] Pape François, Evangelii gaudium, n° 119.
[3] Pape François, Evangelii gaudium, n° 120.
[4]
Pape François, Evangelii gaudium, n° 92.
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