samedi 8 février 2014

5ème dimanche du temps ordinaire - année A

« Quand nous avons davantage besoin d’un dynamisme missionnaire qui apporte sel et lumière au monde, beaucoup de laïcs craignent que quelqu’un les invite à réaliser une tâche apostolique, et cherchent à fuir tout engagement qui pourrait leur ôter leur temps libre »[1].

Jésus dit : « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13-14). Ce qui frappe le plus dans ces expressions, c’est sans doute qu’il ne dit pas : « Vous devez être le sel de la terre… Soyez la lumière du monde… ». Il dit bien : « Vous êtes ». Ce présent de l’indicatif pourrait nous rassurer, et nous pourrions nous enorgueillir, en disant : « Nous sommes la lumière du monde ». Mais c’est plutôt le lieu d’un sérieux examen de conscience : quelle grâce nous a été donnée, et quelle responsabilité nous incombe.
Par le baptême que nous avons reçu, peut-être sans le vouloir consciemment si nous étions enfants, par la foi qui nous a été donnée, et que nous avons fait grandir en nous au cours de notre éducation chrétienne, par cette foi que nous proclamons librement, volontairement, en conscience, aujourd’hui, nous sommes la lumière du monde. Cette lumière ne vient pas de nous ; elle vient de notre baptême, elle vient de la foi qui nous a été donnée. Le baptême est cette illumination (Ep 1, 18 ; He 6, 4) de notre intelligence par la révélation de la vérité qu’est Dieu. Ainsi donc, nous sommes « devenus des êtres de lumière dans le Seigneur » (Ep 5, 8). Néanmoins, nous sommes cette lumière parce que toute notre existence a été saisie ; notre personne même a été épanouie, ouverte, transfigurée par cette grâce que Dieu nous a faite.
A une certaine époque, on parlait beaucoup de l’enfouissement, des chrétiens anonymes, du témoignage discret. Ce n’est pas vraiment cela que Jésus évoque dans cette page d’évangile. La lumière est sur le lampadaire, pour que tout le monde la voie. La ville est sur le sommet de la montagne pour être aperçue de loin. Si nous sommes la lumière du monde, nous ne sommes pas une lumière cachée, mais une lumière qui rayonne, qui illumine, « qui brille devant les hommes » (Mt 5, 16). Cela ne veut pas dire qu’il faut témoigner de notre foi de façon ostentatoire, évangéliser de manière intrusive ; cela ne nous donne pas la mission de faire la morale à tous nos proches. Une telle manière de faire serait de l’orgueil ou de la bêtise et ne servirait pas la cause de l’évangile. Mais le risque aujourd’hui est plutôt celui d’une trop grande frilosité, d’une réticence à annoncer la parole. En faisant l’état des lieux des déserts spirituels de notre temps, le Pape François encourage à juste titre : « Chez tous les baptisés, du premier au dernier, la force sanctifiante de l’Esprit incite à évangéliser »[2]. Celui qui a reçu la lumière de la foi ne peut briller pour lui-même, égoïstement, dans le confort d’une petite vie pieuse. Le vrai disciple du Christ ne peut qu’être un « disciple missionnaire »[3]. Dans nos choix, dans nos paroles, dans notre attitude, nous avons le devoir de nous comporter de telle sorte qu’on voie que nous croyons en Dieu qui est lumière (1Jn 1, 5), de telle sorte qu’on reconnaisse, à travers notre luminosité relative (si pauvre soit-elle), qu’il existe un Dieu d’amour et de bonté à qui nous avons raison de faire confiance.
Les premières pages de la Genèse nous présentent déjà ce mystère, comme ébauché. L’homme a été créé à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26). C’est-à-dire que, dès la création, en voyant le visage de l’homme, on doit pouvoir découvrir la bonté de Dieu. L’histoire se complique deux pages plus loin, parce que vient le péché, qui a abîmé cette ressemblance. Comment pourrait-on en effet reconnaître la bonté de Dieu dans le visage d’un homme dur, violent, injuste, ou égoïste ? Un tel visage humain, défiguré, n’est plus capable de porter la lumière divine. En comprenant quelle est la situation de l’humanité, nous comprenons aussi quelle fut la mission du Christ. Ce fut précisément de restaurer sur le visage de l’homme cette ressemblance. C’est cela l’œuvre de lumière qu’il a accomplie. Dans le Christ, qui est le Fils du Père, qui est « l’Image du Dieu invisible » (Col 1, 15), nous retrouvons cette ressemblance qui fait que lorsqu’il voit le visage d’un chrétien, tout homme doit savoir que Dieu aime tous les hommes. Le visage d’un chrétien est la lumière du monde, la joie d’un chrétien est la lumière du monde, la foi d’un chrétien est la lumière du monde. Voilà quelle est la grâce baptismale que nous avons reçue ; voilà quelle est la responsabilité baptismale que nous portons avec toute l’Eglise.
Sachons être, avec une humble charité, des témoins de la lumière, prêts à écouter, à réconforter, à encourager ceux qui marchent dans les ténèbres, pour que la bonté de Dieu rejoigne le cœur de tout homme.

« En cette époque précisément, et aussi là où se trouve un ‘‘petit troupeau’’ (Lc 12, 32), les disciples du Seigneur sont appelés à vivre comme une communauté qui soit sel de la terre et lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). Ils sont appelés à témoigner de leur appartenance évangélisatrice de façon toujours nouvelle »[4].





[1] Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n° 81.
Pour lire en ligne l’exhortation apostolique du Pape François :
http://www.vatican.va/holy_father/francesco/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium_fr.html
[2] Pape François, Evangelii gaudium, n° 119.
[3] Pape François, Evangelii gaudium, n° 120.
[4] Pape François, Evangelii gaudium, n° 92. 

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