Les
Apôtres, réunis en concile à Jérusalem doivent traiter une question de grande
importance : faut-il soumettre ceux qui se convertissent à l’évangile à
l’observance de la loi de Moïse ? En d’autres termes : un païen
doit-il devenir d’abord juif pour devenir ensuite chrétien ? Plus que la
réponse à cette question (réponse qui est tellement évidente aujourd’hui que la
question ne se pose plus), je voudrais relever la méthode d’argumentation.
Les
Apôtres ont-ils par eux-mêmes la capacité de répondre ? Jésus lui-même n’a
laissé aucune consigne explicite à ce sujet. Par quelle autorité pourraient-ils
donc trancher ? Les disciples sont en revanche capables de discuter entre
eux de ce problème, et c’est ce qu’ils ont fait. Nous n’avons pas entendu tout
le récit, mais, dans vos Bibles, vous pourrez lire les interventions de Pierre,
de Barnabé et Paul, de Jacques. Après ces discours, il y a eu sans doute des
débats, des remarques, des polémiques même. Car jamais l’Eglise n’a été le lieu
de la pensée unique ; au contraire, dès les origines, l’Eglise est le lieu
d’un débat dans la vérité et dans la charité. Car la vérité n’est pas quelque
chose qui s’affirme de manière péremptoire ; la vérité, c’est ce qui se
découvre, ce qui se révèle dans la rencontre. Si chacun a « sa »
vérité, dans son coin, tout seul, alors il n’y a pas de communion, et il n’y a
pas non plus de vérité ; et l’Eglise, c’est précisément le contraire de
cela.
Les
Apôtres ont donc eu raison de débattre publiquement de la grave question qui
leur était posée. Mais une fois que chacun s’est exprimé, il fallait bien
prendre une décision. Et c’est là qu’on peut être un peu surpris ; quelle
est la réponse des Apôtres ? « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons
décidé… » (Ac 15, 28). Voilà une formule bien prétentieuse : les
Apôtres ont discuté entre eux ; l’Esprit Saint n’a pas discuté parmi eux.
Et pourtant, la décision qui est prise est attribuée conjointement à l’Esprit
Saint et aux Apôtres. N’est-ce pas là un coup de force pour impliquer Dieu dans
une décision humaine ?
Tout
en reconnaissant que cette façon de parler est audacieuse, il nous faut prendre
conscience que notre foi catholique nous oblige à prendre au sérieux une telle
formule. Qu’est-ce que l’Eglise ? Pour un catholique, l’Eglise c’est
l’humanité qui peut dire « nous » avec l’Esprit Saint. Qui est
l’Esprit Saint ? L’Esprit Saint est Dieu qui ne craint pas d’être associé
à l’Eglise comme sujet d’un verbe, pour accomplir une action conjointe.
Après
ce concile de Jérusalem, il y a eu, tout au long de l’histoire de l’Eglise,
d’autres conciles, d’autres réunions, non pas d’apôtres, mais d’évêques, pour
discuter de questions très difficiles et très graves. Et toujours, à toutes les
époques, les Pères conciliaires ont eu conscience de décider avec l’Esprit
Saint. Ecoutez la conclusion solennelle des documents publiés par
Vatican II, ces petites phrases qu’on ne lit jamais : « Tout l’ensemble et chacun des points qui
ont été édictés dans cette constitution dogmatique ont plu aux Pères. Et Nous
[Paul VI], en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en
union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons
dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile
soit promulgué pour la gloire de Dieu ». Les Pères conciliaires sont-ils
fous de dire cela ? Non. Ils ont simplement conscience d’être l’Eglise du
Christ, c’est-à-dire une communauté conduite par l’Esprit Saint.
Dans quelques jours, nous célèbrerons la
Pentecôte. Souvenons-nous toujours que l’Esprit Saint, qui est présent dans nos
cœurs, est d’abord celui qui conduit l’Eglise. Alors nous pourrons vivre la
fête qui approche dans une communion plus intense et plus ecclésiale.
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