vendredi 7 novembre 2014

Dédicace de la Basilique du Latran



La basilique du Saint Sauveur, aujourd’hui connue sous le titre de Saint Jean de Latran, est un grand édifice classique, en marbre blanc. Ce bâtiment fait partie d’un complexe monumental particulièrement riche de ce que l’antiquité chrétienne considérait comme des trésors spirituels : des reliques et des icônes. Si Aujourd’hui la basilique Saint Pierre et le Vatican symbolisent indubitablement le ministère du successeur de Pierre, depuis Constantin et pendant tout le Moyen Age, c’était au palais du Latran que résidait le Pape et que se réunissaient les Conciles. Saint Jean de Latran reste encore de nos jours la cathédrale de Rome.
La dédicace d’une Eglise, a fortiori d’une cathédrale, est un événement liturgique qui peut sembler étrange. Dieu, qui est le Créateur du monde, a-t-il besoin qu’un lieu lui soit consacré ? N’est-il pas chez lui partout ? Si, bien sûr. Et puis, l’Eglise, la véritable Eglise, n’est-ce pas le rassemblement des chrétiens ? Oui, évidemment. Paul le dit clairement : « vous êtes le temple de Dieu » (1Co 3, 16). Alors, si Dieu n’a pas besoin qu’on lui dédie un espace, et si son vrai sanctuaire, c’est la communion des croyants, quelle est l’utilité de célébrer un rite de consécration pour des murs de pierres ? Comment ce n’est pas simplement la prière des chrétiens qui opère la sanctification du bâtiment ? Pourquoi faut-il quelque-chose de plus ?



Il est clair que l’église de pierres n’est que l’image de l’Eglise spirituelle formée par la charité qui règne entre les croyants. Mais précisément, pour que la charité règne entre les croyants, il a fallu que Dieu accomplisse une certaine consécration des croyants. Car il ne nous est naturel ni de croire, ni de nous aimer les uns les autres. Ce n’est pas par nous-mêmes que nous avons pris la décision de croire ; la foi est un don de Dieu (cf. Ep 2, 8), nous le savons. Et, étant devenus croyants, ce n’est pas par nous-mêmes que nous sommes devenus capables de nous aimer les uns les autres. Si c’était naturel, le Christ n’aurait pas eu besoin de nous le commander ; mais il a fallu qu’il nous donne ce « commandement nouveau » (1Jn 2, 8) qui fait de nous des « hommes nouveaux » (cf. Ep 4, 24). Et cette nouveauté, c’est que, dans le commandement, Dieu nous donne aussi la grâce, la force sans laquelle nous serions incapables de nous aimer les uns les autres.
Quel est l’état de l’humanité lorsqu’elle est abandonnée aux lâchetés, aux mesquineries, aux jalousies de son égoïsme universel ? L’humanité est alors très exactement « une maison de trafic » (Jn 2, 16) : une sorte d’agitation où chacun recherche son petit intérêt, son petit confort ; un esclavage où chacun est asservi à soi-même, affairé à gagner cet argent qui ne peut que décevoir ; c’est une prison où chacun veut obtenir son petit avantage, le petit privilège qui lui permettra de se croire mieux loti que son voisin. Cet état de l’humanité est pitoyable, et ce n’est pas pour cela que Dieu a créé l’homme. Pour faire passer l’humanité de cette situation de misère spirituelle à quelque chose de conforme au commandement de Dieu, il a donc fallu accomplir une consécration.



Qu’est-ce que l’humanité baptisée, qu’est-ce que l’Eglise ? C’est vraiment une communauté de charité, où chacun aime les autres plus qu’il n’aime son confort (ou, du moins, ce devrait l’être) ; et c’est alors vraiment une « maison de Dieu » (Ep 2, 19 ; 1Tm 3, 15 ; cf. Gn 28, 17). Ainsi, Jésus peut vraiment dire de l’Eglise qu’elle est « la maison de (s)on Père » (Jn 2, 16). Cette Eglise, c’est aussi une communauté de résurrection : le sanctuaire a déjà été détruit, et il s’est déjà relevé (cf. Jn 2, 19-21). Dès lors, rien ne peut plus anéantir la vitalité de la foi, la solidité de l’espérance, la force de l’amour.
Ainsi, la consécration d’une église de pierres, c’est, vous le comprenez, le signe, l’image de ce qu’est le baptême pour l’humanité. C’est le baptême, c’est cette « eau » qui jaillit du sanctuaire (cf. Ez 47, 1-12), qui change l’humanité désunie en Eglise-communion. La dédicace, c’est pareillement ce qui fait d’un hangar matériel une église, le lieu de rassemblement des croyants dans la prière. Aussi, en fêtant la dédicace de Saint Jean de Latran, ce n’est pas tant le souvenir d’un événement passé concernant des murs que nous célébrons. Nous sommes surtout invités à reprendre conscience de notre consécration baptismale qui nous relie à tous ceux avec qui nous croyons, et qui nous engage à aimer tous les hommes, pour que l’humanité tout entière soit vraiment le temple de Dieu.


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