Les
chrétiens de notre temps ont peut-être quelques difficultés avec cette fête de
l’Assomption. Nous célébrons aujourd’hui l’entrée de Marie dans le ciel ;
nous affirmons que Marie, avec son âme et son corps, est glorifiée auprès de
Dieu. Est-il bien raisonnable de proclamer cela ? A notre époque
scientifique, est-il sérieux de dire que Marie est montée au ciel ?
N’est-ce pas une idée bonne pour le Moyen Age obscurantiste ? Et puis
pourquoi Pie XII, en 1950, a-t-il décrété que cette vérité était
obligatoire, qu’elle appartenait au dogme,
à la définition même de la foi catholique ? Cela fait beaucoup de
difficultés et il serait utile de clarifier un peu ce qui est confus.
Essayons
de comprendre d’abord ce qu’est un dogme. Un dogme n’est pas une invention du
Pape, qui se lèverait un beau matin avec une idée nouvelle qu’il voudrait
imposer à toute l’Eglise. Si c’était cela, notre foi serait une collection de
décisions humaines et il serait insensé d’être chrétien. Un dogme c’est, en
vérité, la reconnaissance d’une affirmation qui a toujours été crue,
implicitement ou explicitement, par tous les chrétiens de tous les lieux et de
tous les temps. Pour définir un dogme, un Pape n’est pas chargé d’inventer une
idée nouvelle. Pour définir un dogme, un Pape est chargé d’aller vérifier ce
que pensaient les premiers chrétiens, les chrétiens du Moyen Age, la
Renaissance, et puis ce que pensent les chrétiens d’Europe, d’Amérique, d’Asie
et d’Afrique. Le Pape interroge des historiens, il lit les textes des Pères de
l’Eglise ; il consulte tous les évêques du monde entier, qui eux-mêmes
interrogent des théologiens. Et si, sur une question, on découvre que les
chrétiens ont toujours pensé, cru et célébré la même chose, si on découvre que tous
les évêques parlent d’une seule voix, alors on doit bien se dire que cette
vérité-là n’est pas anodine.
C’est
ce que Pie XII a fait à propos de l’Assomption. Parmi les textes des
premiers chrétiens, des Pères de l’Eglise, des Docteurs médiévaux, pas un seul
n’affirmait que Marie ait été enterrée. Il y avait là une unité de pensée. Mais
il fallait vérifier encore que cette idée n’était pas seulement l’opinion des
théologiens, mais bien la pensée de toute l’Eglise, des prêtres et des laïcs,
des théologiens et des simples fidèles. Une étude historique subtile et précise
a indiqué un argument décisif : aucune église, aucune ville n’a jamais
revendiqué posséder le tombeau où Marie aurait été enterrée. En effet, si des
chrétiens avaient pensé que Marie n’était pas montée au ciel avec son corps,
ils auraient été capables de dire où elle était enterrée ; on aurait
organisé des pèlerinages, des processions. On ne peut, par exemple, dire la
même chose de saint Pierre : tout le monde sait où il a été enterré ;
tout le monde connaît son tombeau. En revanche, la preuve que tous les
chrétiens ont toujours et partout pensé que Marie était montée au ciel, c’est
que personne n’a jamais prétendu posséder sa tombe. Une fois que cela était vérifié, il restait encore à consulter
les évêques du monde entier pour recevoir par eux l’avis de tout le peuple
chrétien. C’est ce qui fut fait. Aucun évêque ne témoigna que son diocèse
pensait que Marie était simplement morte et enterrée. Ainsi, constatant que
cette vérité était partagée par tous les chrétiens de tous les temps et de tous
les lieux, Pie XII a reconnu que l’Assomption de Marie était plus qu’une
opinion, qu’elle était une vérité certaine.
Il faut
reconnaître que, parmi les dogmes qui composent notre foi, certains sont mieux
acceptés que d’autres. Ainsi, le dogme de la Trinité est aujourd’hui accueilli
sans trop de polémique. Car on pense (peut-être à tort) que ce dogme de la
Trinité ne concerne que Dieu, et, par conséquent, il ne gêne pas grand monde.
Les athées ne nous reprochent pas de croire en Dieu Trinité ; ils s’en
moquent peut-être, mais ils ne nous en veulent pas. Les dogmes les plus
difficiles à accepter sont ceux qui concernent des réalités matérielles,
visibles. Le dogme de l’Eucharistie, par exemple, est beaucoup plus troublant
pour les athées. Nous disons que ce pain consacré est devenu le corps du
Christ ; un scientifique athée pourra toujours nous dire que nous sommes
fous. Dès lors que le dogme concerne une matière, un corps, ceux qui ne
conçoivent que le monde matériel nous accusent de tomber dans l’illusion. La
Résurrection de Jésus également est incompréhensible pour ceux qui n’ont pas la
foi : comment un cadavre peut-il sortir vivant du tombeau ? Un
cadavre, tout le monde le sait, est un corps qui a définitivement cessé de
vivre. Nous chrétiens, croyons pourtant que Jésus est ressuscité, parce que
nous croyons que, au-delà de la matière, l’amour de Dieu est une source
intarissable de vie. Nous ne pouvons pas prouver que l’éternité de Dieu vient
façonner l’histoire ; nous ne pouvons pas convaincre un athée que l’Esprit
de Dieu vient transfigurer la matière. Et pourtant, nous ne sommes pas fous.
Les
dogmes que nous proclamons ne sont pas des lubies ou des contes de fées. Les
dogmes que nous affirmons sont des vérités fondatrices, des vérités vivantes,
des vérités sur lesquelles s’enracine la communion de tous les chrétiens à
travers les cultures, à travers les âges. En célébrant aujourd’hui l’Assomption
de Marie, prenons pleinement conscience d’être unis à toute l’Eglise ;
prenons conscience de cette profonde communion dans la vérité. L’Eglise est une
communauté de foi ; les dogmes nous permettent de croire ensemble à des
vérités solides, fiables, réelles. Que cette certitude soit pour nous une aide
et une joie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.