vendredi 8 août 2014

19e dimanche - année A

Il n’y a pas beaucoup de catholiques au Japon, mais essayons néanmoins de nous mettre à la place d’un catholique japonais et relisons ce verset tiré de la première lecture : « le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre » (1R 19, 11). Cette phrase pour nous ne veut pas dire grand-chose ; ce ne sont pas les secousses minimes qu’on ressent de temps à autre qui pourraient nous effrayer. Mais un japonais sait bien qu’un séisme est une vraie catastrophe, qui peut en un instant faire des milliers de morts, détruire des villes entières, provoquer des raz de marée et causer des accidents nucléaires incontrôlables. Et un japonais catholique doit se demander : où est Dieu lorsqu’il y a un tremblement de terre ? Et la Bible répond donc : « le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ». Un catholique japonais prend au sérieux cette phrase. Et la Bible dit la même chose d’autres sortes de catastrophes : le Seigneur n’est pas dans l’ouragan ; le Seigneur n’est pas dans l’incendie.
Relisons maintenant l’évangile. Les apôtres sont dans une barque, au milieu du lac et celle-ci est submergée par une tempête. Les Apôtres sont seuls, Jésus n’est pas avec eux, il est resté sur le rivage pour renvoyer les foules (Mt 14, 22-24). On peut dire ainsi, au début du récit, comme dans la première lecture, que le Seigneur n’est pas dans la tempête (mais « le Seigneur », c’est alors Jésus, Dieu qui s’est fait proche de l’homme en s’incarnant, tandis que dans le Livre des Rois, « le Seigneur » qui n’était pas dans la tempête était le Dieu d’Israël dont on ne prévoyait pas qu’il viendrait ainsi visiter lui-même son peuple – le sens est un peu différent, mais on peut s’exprimer dans des termes semblables). Mais voilà que, d’une manière étonnante, Jésus rejoint ses Apôtres ; il vient à leur rencontre en marchant sur la mer (Mt 14, 25). Le Seigneur, qui n’était pas dans la tempête, se porte au secours de ceux qui sont dans la tempête.
Que peut-on tirer de la confrontation de ces deux textes que la liturgie nous suggère ? La première lecture nous empêche de diviniser la nature. On ne saurait confondre la violence de la nature avec la toute-puissance de Dieu. Car la nature est aveugle, imprévisible, irrationnelle, et elle peut détruire l’homme. Et Dieu n’est pas dans cette nature destructrice. Aucune catastrophe naturelle n’est un signe de Dieu, encore moins un châtiment de Dieu. La violence de la nature reste un mystère, mais ce mystère obscurcit plus qu’il n’éclaire le mystère plus grand encore de la toute-puissance de Dieu. Car la toute-puissance de Dieu, c’est, en définitive, sa miséricorde inépuisable. Les forces de la nature sont des énigmes pour les scientifiques ; elles n’ont pas de valeur spirituelle ou religieuse. Définitivement, il faut dire que Dieu n’est pas dans le tremblement de terre.
L’évangile envisage les choses différemment, mais ne contredit pas le Livre des Rois. Au cœur d’une situation de grande angoisse, d’une tempête, Dieu, qui ne se révèle pas dans la tempête, peut se révéler dans la foi de ceux qui affrontent la tempête. Car si Dieu n’est pas dans la tempête, Dieu n’abandonne pourtant pas ceux qui sont dans la tempête ; il vient les rejoindre. Là nous touchons une vérité spirituelle. En effet : où est Dieu ? Il ne se révèle pas dans le vent qui souffle, mais dans Jésus qui marche sur les flots ; il se révèle aussi dans l’âme de saint Pierre tandis qu’il lui fait confiance et qu’il prend le risque de la foi (Mt 14, 28-29. 

Notre monde est plein de malheurs ; nos vies sont pleines d’épreuves que nous ne méritons pas. Et nous avons le réflexe de nous demander : où est Dieu ? Dieu n’est certainement pas dans le mal ; Dieu n’est pas du côté de ce qui nous fait souffrir – et nous souffrons. En revanche, Dieu est dans notre prière ; Dieu est présent dans notre foi, notre espérance et notre charité. Et c’est pourquoi notre foi est plus forte que la nature même lorsque celle-ci se déchaîne. C’est pourquoi notre prière est plus grande que nos épreuves, mêmes lorsqu’elles sont particulièrement injustes. De cela, il ne faut pas douter. La foi de saint Pierre a triomphé de la tempête, mais lorsqu’il s’est inquiété, il a commencé à couler, et le Seigneur, sur le ton d’un reproche amical, l’a exhorté à un peu plus de foi (Mt 14, 30-31). Il faut donc tenir bon dans la foi et dans la prière. Et Dieu, qui n’est pas dans le tremblement de terre, ne cessera d’être présent dans nos cœurs. 

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