« Qu’est-ce que je pouvais
faire de plus ? ». Voilà la question qui retentit depuis l’aube de
l’humanité, par laquelle Dieu, totalement déconcerté par l’infidélité de ses
enfants, se demande comment on peut choisir le péché plutôt que la grâce. Et il
interpelle le pécheur pour tenter, une dernière fois, de le ramener à lui.
« Je t’ai fait roi d’Israël, je t’ai sauvé de la main de Saül… et si ce
n’est pas encore assez j’y ajouterai tout ce que tu voudras. Pourquoi donc
as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? »
(2S 12, 8-9).
Assurément, les
relations entre Dieu et les hommes sont loin d’être simples. Nous avons d’un
côté le Seigneur. Il est un Père plein de bonté qui ne ménage pas ses forces
dès qu’il s’agit de donner à l’humanité un témoignage de son amour et de sa
bienveillance. Et de l’autre côté, nous voyons l’homme qui, comme un enfant
gâté et mal élevé, profite de tout ce que lui donne son Père, sans pour autant
lui témoigner aucune gratitude et – pire encore – mettant à profit ses
privilèges pour tomber lui-même dans la délinquance comme s’il se disait :
“mon père est puissant – je m’en tirerai toujours”. Ce modèle du “sale gosse”,
du “fils de riche mal éduqué”, du “voyou des beaux quartiers” décrit bien David
devant le Seigneur, et nous dit aussi qui est l’homme pécheur devant Dieu.
La manière dont la Bible
décrit l’ignorance de Dieu devant le mal est vraiment bouleversante. On voit
bien que Dieu ne comprend pas comment l’homme, qu’il aime plus que lui-même,
peut ainsi se comporter de façon misérable. C’est qu’il n’y a rien à
comprendre. L’homme n’a aucune excuse. Rien ne justifie le moindre péché, rien
n’excuse le plus petit blasphème. Dieu a donné à ses enfants tout son amour, et
pour manifester sa bonté, Dieu a choisi de l’exprimer en offrant à l’homme des
signes concrets. Qu’on se rappelle : le Paradis donné à Adam n’était pas
peu de chose – et Adam a péché ; la liberté donnée aux Hébreux hors
d’Egypte n’était pas un détail – et le peuple a adoré le veau d’or ; la
royauté donnée à David n’était pas une bagatelle – et David s’est comporté
comme un vulgaire meurtrier, en faisant assassiner Urie pour prendre son épouse
(2S 11) ; et enfin, le Christ qui venait à nous était la grâce
suprême – et nous avons tué le Christ.
Il y a dans cette
attitude de l’homme une vraie désinvolture. Le péché de l’homme est d’autant
plus ridicule qu’il se situe clairement dans le registre de la petite
délinquance. David n’a pas voulu renier Dieu en face, il ne s’est pas révolté
contre Dieu directement – cela c’est le péché de l’ange qui est, Dieu merci, un
orgueil peu accessible à l’humanité. Le péché de David est simplement
lamentable, pitoyable, c’est le péché d’un petit caïd qui pense que la mort
d’un homme n’est rien si cela peut lui apporter quelque avantage. David s’est
comporté comme un criminel de bas étage, comme un sauvageon qui ne mesure pas
la gravité de son caprice. Et Dieu se demande, comme un père désemparé par son
enfant, qui n’avait pas imaginé une telle déchéance : « Qu’est-ce que
je devais faire de plus ? ».
Et Dieu ajoute autre
chose. Parce que David n’est finalement pas un si mauvais garçon, il suffit
qu’on le gronde un instant pour qu’il prenne conscience qu’il a été un petit
minable et qu’il avoue : « J’ai péché contre le Seigneur » (2S
12, 13). Le péché de l’ange est sans aveu, et donc sans pardon. Mais le péché
de l’homme est avouable et David, comme un enfant qui n’a pas su cacher sa
bêtise a avoué en pleurant. Est-ce un vrai repentir ? Est-ce l’émotion
d’un instant ? Est-ce une conversion durable ? On ne sait pas. Mais
ce qu’on voit, c’est que cela suffit pour provoquer de la part de Dieu cette
réaction étonnante et, peut-être, irresponsable : « Le Seigneur a
pardonné ton péché » (2S 12, 13). Comment donc ? Voilà un homme à qui
Dieu a tout donné, qui se comporte comme un vaurien et qui, au prix de quelques
larmes, obtient de Dieu une miséricorde complète ! Voilà qui est
scandaleux. Mais où est la punition ? où est la réparation de la faute
commise ? où est la justice des hommes qui demande qu’un délit soit
jugé ? David n’a nul besoin d’invoquer des circonstances
atténuantes ; il n’a pas besoin d’un avocat pour plaider sa cause. David
est pardonné. C’est tout.
Cette image d’un père
trop bon et d’un fils mauvais garnement, petite crapule, est une manière que la
Bible a de nous faire comprendre combien notre péché est quelque chose de
mesquin. Il n’y a pas de commune mesure entre la bonté universelle de Dieu et
nos petites turpitudes égoïstes. La bonté seule possède une vraie
grandeur ; le mal que nous commettons n’est qu’une pitoyable gaminerie. Et
une gaminerie peut être une bêtise d’inconscient, un caprice d’irresponsable,
mais elle peut faire du mal. Les journaux sont pleins de ces faits horribles
commis par des enfants à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession.
Assurément, il vaut mieux que ces gamins se confessent, et surtout qu’ils
prennent conscience de la disproportion ridicule entre leurs petites affaires louches
et la bonté de Dieu. Alors, en découvrant un peu la bonté de Dieu qui nous a
tout donné, nous pourrons construire une vie dans laquelle le péché n’aura plus
d’intérêt. Pourquoi chercher à obtenir, par des magouilles stupides, en faisant
le mal, quelque chose de décevant alors
que Dieu veut nous donner le seul bien capable de nous combler ? Commencer
de réfléchir à cette question c’est se décider à être chrétien.
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